De par sa population, Nusnusantara (c'est ainsi que l'on appelait cette ancienne colonie néerlandaise) reste de loin le plus grand pays musulman au monde. Sur 220 millions d'habitants, 90% de la population sont musulmans. Les Indonésiens pratiquent, dans leur immense majorité, un islam modéré. Mais ces dernières années, le constat est que la société indonésienne se nourrit du radicalisme de courants islamistes. Le nombre de femmes voilées augmente et les prêches deviennent plus virulents et fédérateurs. C'est d'ailleurs le cas durant ce mois sacré à Djakarta, période pendant laquelle la tension monte d'un cran. Le message est on ne peut plus clair : les manifestants exigent que les bars, pubs et restaurants cessent de servir de l'alcool durant le mois sacré. Afin d'éviter que des actes de vandalisme ne se multiplient d'ici la fin du ramadhan, le gouvernement indonésien a décidé d'appliquer une loi prévoyant la fermeture des cibles potentielles de radicaux. Du coup, une opération d'assainissement coup-de-poing est organisée dans la capitale et les principales villes de l'archipel. La capitale de l'Indonésie est réputée, rappelons-le, pour son tourisme. Le ramadhan est la période de l'année qui met en lumière l'islam indonésien, traversé principalement par deux courants contradictoires : les modérés et les extrémistes. Quant aux autorités, elles cherchent plutôt à établir un équilibre : le bon dosage entre deux courants diamétralement opposés. C'est dans ce puzzle religieux et sociétal que se déroule le mois sacré en Indonésie. La grande mosquée Al Istiqlal de Jakarta, construite du temps de Soekarno, réunit toutes les tendances durant le mois sacré. Pour les besoins de la prière, les femmes arborent des moukina (cape blanche, l'équivalent de la abaya en Arabie saoudite). Quant aux hommes, ils portent le koko (appelé aussi kamis), une tunique blanche mais avec le sarung, une jupe au-dessous comme les Yéménites de Hadramaoute. Le soir, les rues sont désertes dans la capitale de Jakarta où les mosquées accueillent toute la nuit des milliers de fidèles venus prier et écouter les imams. Les fidèles indonésiens sont de plus en plus nombreux à prier et à rompre le jeûne dans les mosquées. Les imams répartissent, à tour de rôle, des tâches aux riverains pour qu'ils préparent les plats du f'tour. A l'intérieur des mosquées, la ferveur atteint son paroxysme. Des millions de musulmans plongent dans le recueillement, prient chaque jour et lisent le Coran sans pour autant en comprendre le contenu. Le jour à Jakarta, les marchés sont bondés. Encens, épices, tapis pour la prière, calottes, tuniques, tissu, chapelets, moukina, CD du Coran… toute une industrie cultuelle se fraie donc une place dans les souks des principales villes. L'engouement pour ces accessoires s'accentue durant le mois sacré. Lors de berbeka, appellation qui signifie rupture du jeûne à Djakarta, saveurs et arômes sont au menu. «Nous rompons le jeûne avec des dattes dans l'esprit de la sira du Prophète», souligne un Indonésien installé à Rabat. Après, ajoute-t-il, place au koulak. Une soupe sucrée à base de morceaux de banane et autres fruits tropicaux. Le temps de la prière d'el maghrib, place au plat de résistance. D'habitude, c'est le nasi, un mets à base de riz et de viande. La cuisine indonésienne est très épicée. Généralement, les Indonésiens consomment le poisson, le riz à la vapeur et les légumes aux épices exotiques beaucoup plus que la viande. Les rafraîchissements ne sont pas en reste : jus et yaourts de même que le café corsé et les différentes variétés de thé noir, vert, au jasmin, sans sucre... Pour s'accommoder aux habitudes et à l'esprit du mois sacré, de nombreux cafés à Jakarta servent le f'tour. C'est une nouvelle tendance qui s'installe dans les cafés. Les tenanciers de ces commerces réaménagent également leurs locaux en mettant à la disposition des fidèles de petites salles, des mini-mosquées aménagées pour la prière du soir, les tarawih.