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Djemâa Ouled Cheikh Sous la lumière des étoiles
Soirée ramadhanesque à Aïn Defla
Publié dans Le Temps d'Algérie le 05 - 09 - 2010

La wilaya de Aïn Defla recèle une culture diversifiée selon les régions. A Djemâa Ouled Cheikh, une petite commune rurale sise sur les piémonts de l'Ouarsenis, les habitations sont éparses.
Des douars résistent à la modernisation qui nécessite de gros investissements. Paisibles, calmes, patientes, les populations de ces douars, gardiennes des traditions locales, accomplissent le jeûne dans la modestie, la piété et l'amour du prochain. Pauvres, certes, démunies, elles se contentent du peu, de ce qui est disponible et de ce que leur offre leurs maigres terres.
Au douar Sidi Belgacem, saint patron des lieux, comme tous les habitants forment une même grande famille, on s'invite mutuellement. Les repas sont presque les mêmes, mais l'ambiance diffère d'une soirée à une autre. En effet, un muezzin volontaire, du haut de la colline où est érigé le mausolée de Sidi Belgacem, annonce de sa vive voix la rupture.
Il est entendu à plus d'un kilomètre à la ronde tellement le silence se fait pesant. Une datte, un verre de lait de chèvre à moitié rempli sont servis aux invités avant l'accomplissement de la prière. Comme chaque soir, dans cette contrée de l'Ouarsenis, la brise fraîche parfume l'atmosphère à l'odeur de sapin mélangée de l'odeur de la terre.
Autour d'une meïda éclairée par une guirlande installée sur le nader (meule de foin), les convives assis sur un tapis à même le sol commencent leur repas par le bol de hrira bien épicée au ras el hanout et parfumée de coriandre et de menthe verte.
A la place du bourek, il y a de la hamdha (pain d'orge légèrement fermenté) bien chaude, suit alors le plat de foie cuit sur de la braise, la douara (abats) et la cervelle à l'ail aussi piquante que la douara.
Notre hôte avait égorgé un caprin une fois l'invitation confirmée. Il demande à un de ses fils de ramener des figues de Barbarie. Le jeune dépose un grand plat sur la meïda, des figues de Barbarie préparées et bien glacées. Les plats de viande n'intéressent plus personne, les mains se disputent le fruit. Ahmed, lui, préfère les figues de Barbarie avec du pain de blé khoubz koucha. «Nos aïeux ne mangeaient pas de la hrira», ironise-t-il.
Après un copieux repas tout bio, les présents se préparent à la prière des tarawih que dirige le jeune Moussa. La prière terminée, on recommence à manger. Un plat de viande en sauce rouge avec quelques légumes, de la figue de Barbarie, de la pastèque, du raisin et de l'eau de source au qatran, vient alors la théière fumante sentant la menthe à distance accompagnée d'un plat de zalabia.
Le ventre bien plein, la soif étanchée, sous un ciel étoilé, la guirlande éteinte, commence alors la récitation du Coran. Cette fois-ci, c'est Belkacemi qui dirige la récitation qu'il termine par des louanges et des prières.
Durant la pause, on déterre les vieux souvenirs, les attaques de l'armée française contre ce douar de moudjahidine, les années de fortune et les années de sécheresse, le retour de l'hyène dans la région après sa disparition lors de la décennie noire.
On évoque aussi la chaleur et les moissons. On parle également du logement rural et surtout du climatiseur qu'a installé El Hachemi. «Il a bien fait, il passe au moins sa journée dans la fraîcheur»,
jalouse Mohamed. On s'appuie sur le coude, dans une obscurité atténuée par la lumière des étoiles, on discute sans regarder en direction de son interlocuteur et sans se soucier du temps qui passe.
La guirlande allumée nous arrache à ces moments de méditation, c'est le moment du s'hor. Un grand plat de couscous, des morceaux de viande cuits à la vapeur, du raïb (lait caillé) et des fruits dont de la figue de Barbarie. Les invités remercient leur hôte et s'éclipsent dans l'obscurité pour rejoindre leurs demeures éparpillées sur les collines qui entourent Sidi Belgacem.
«Pour que la relation demeure entre tous les membres de la famille, nous ne faisons qu'imiter nos parents et nos grands-parents», affirme hadj Belkacem.
Notons que les hommes à Djemâa Ouled Cheikh ne regardent pas la télé après le f'tour, ils ne jouent pas aux dominos ni aux cartes durant le mois sacré de ramadhan. Ils se rapprochent de Dieu par les louanges et les prières. Les femmes, quant à elles, groupées dans une grande pièce, suivent leurs interminables feuilletons qu'elles commentent par la suite.


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