Ça ne se passe qu'en Israël et nulle part ailleurs. Avigdor Lieberman est unique en son genre. Il est le seul chef de la diplomatie au monde dont les positions ne reflètent pas les principes directeurs de son gouvernement. Alors que Benjamin Netanyahou s'échine à ce que les colons constructeurs ne fassent pas trop de bruit, au risque de voir les pourparlers de paix coulés sous du béton, Lieberman s'y plaît à dire ce qu'il pense à la tribune de l'Assemblée générale de l'Onu. A croire ses dires renversants, il faudrait encore des décennies pour que Palestiniens et Israéliens parviennent à un accord de paix. Et ce n'est pas tout à fait sûr. Ce qui dérange chez lui, s'amusent à desceller des analystes, ce n'est pas le fait qu'il remette la paix aux calendes grecques. Il aurait tout à fait raison sur ce plan là, un accord de paix ne pourrait intervenir d'ici un an comme l'espère Barack Obama. Le plus inquiétant chez l'ancien vigile, c'est sa manie à toujours vouloir aller en contresens de l'actuelle politique de Tel-Aviv. Bien qu'il soit le fondateur et le dirigeant du parti d'extrême-droite, Israël Beytenou (Israël notre maison), il en ferait trop tout de même, au point de briser ce qui reste des ailes des partisans de la paix. A défaut d'un accord qu'il continue de juger impossible à court et à moyen terme, la personnalité la plus controversée de la classe politique israélienne a fini par cracher le morceau devant l'Assemblée générale de l'Onu. Et pourquoi pas un échange de territoires peuplés avec les Palestiniens ? Interrogé sur la proposition de son ministre des affaires étrangères, Benjamin Netanyahou s'est contenté d'affirmer qu'il n'a pas lu le discours en amont. Après tout, Avigdor le terrible peut déclarer ce qu'il lui veut. Il fait partie d'un gouvernement de coalition et il a le droit de défendre le contenu de la charte de sa formation politique. Au détriment de pourparlers de paix dits sérieux et derrière lesquels «Bibi» n'a cessé de courir ? Il faut bien que quelqu'un joue au trublion. Le désordre a aussi cette vertu, entraîner le statu quo jusqu'à atteindre des desseins inavoués : agrandir le plus possible les colonies de peuplement avant de revenir à la table des négociations, fort de cet fait accompli. D'ici à ce que ce miracle se produise, Avigdor Lieberman ne trouvera rien d'anormal à ce qu'il affiche clairement ses positions. Sur les ondes de Kol Israël, il prouvera par A plus B qu'il n'est pas le seul à être en contradiction avec la politique du gouvernement de Tel-Aviv. La semaine dernière, son collègue de la Défense avait lui aussi commis un pareil impair, en appelant au partage d'Al Qods alors que c'est loin d'être l'avis de l'exécutif de Netanyahou. Pourtant, personne n'a trouvé à redire sur la sornette d'Ehud Barak. Avigdor Lieberman endosserait-il le mauvais rôle, à tel point qu'il avait été traité par un diplomate chinois d'imbécile ? Ce rôle lui ira bien tant qu'il défendra ce prétendu courant contraire au sein d'un gouvernement qui, au fond, partage les mêmes et uniques opinions sur tout. Benjamin Netanyahou aura beau dire que les déclarations de Lieberman ne réfléchissent que sa propre image, sa démonstration restera inadmissible. Pour la simple et bonne raison que qu'on est issu du Likoud, on ne peut trahir la pensée de la droite israélienne. Même les centristes de Kadima et leur patronne, Tzipi Livni, ne se sont pas laissé leurrer par Netanyahou et ses alliés de la droite israélienne. Pour que le parti du «disparu» Ehud Olmert accepte un jour de rejoindre la coalition, Netanyahou et ses amis devront d'abord démontrer qu'ils sont sérieux dans leur démarche à conclure la paix. Comme ils ne donnent même pas cette impression, mieux vaut pour eux de rallier le camp d'Avigdor Lieberman. Ils partageront au moins son mérite d'être franc.