La transplantation d'organes en Algérie accuse un énorme retard malgré les efforts des uns et des autres pour casser un tabou qui demeure l'embûche qui empêche les roues de la santé de marcher vers l'avant. Sans omettre de citer la société qui reste en marge du développement de la médecine en refusant, pour des raisons religieuses, cette marche vers l'avant. Comme il a été annoncé récemment par le ministre de la Santé, le don d'organes et leur transplantation est en attente de la promulgation d'un décret présidentiel, «qui sera prochainement présenté au gouvernement». Ce qui est insuffisant, selon les spécialistes en la matière. «Il ne suffit pas de promulguer des textes pour que le don d'organes devienne courant dans notre pays. La société algérienne n'attend pas les textes pour voir des files de donneurs devant les hôpitaux. Il faut commencer par changer les mentalités et les religieux doivent être au devant de ce combat», a estimé le Dr Bekkat, président de l'Ordre des médecins. Selon les spécialistes, il y a deux types de donneurs : de proche à proche et les donneurs cadavériques, c'est-à-dire les prélèvements à partir de corps de personnes décédées. Et la tendance est pour les dons de proche à proche. «Les quelque dons que nous enregistrons proviennent d'un membre de la famille du malade, mais les dons cadavériques sont pratiquement inexistants, du fait du refus des familles pour des raisons religieuses», a expliqué un médecin spécialiste. Il faut reconnaître qu'à la lumière de ce qui se fait ailleurs en matière de don d'organes, notre pays peine vraiment à mettre en place une politique adéquate en ce sens. Mis à part quelques associations qui activent pour encourager la société à faire don de ses organes, aucun centre spécialisé en la matière n'est mis en place. «Nous avons besoin d'instituts pluridisciplinaires, d'une formation d'élites dans le domaine, mais surtout d'une très bonne organisation et de la mise en place des moyens nécessaires pour la réception d'organes», a jugé le Dr Bekkat. Propos appuyés par M. Tazir, directeur de l'Institut Pasteur d'Alger qui a déclaré : «Nous devons développer l'enseignement et la post-graduation, la recherche de haut niveau et la quête de l'excellence pour élever le niveau des compétences nationales en matière de recherche biomédicale.» De grosses pertes d'argent pour l'Etat L'importation d'organes, notamment la cornée, coûte excessivement cher à l'Etat. Celle-ci, faute de donneurs algériens, est importée des Etats-Unis. «Nous avons des malades qui attendent une transplantation de la cornée depuis les années 1980, sans compter les demandes que nous enregistrons chaque année pour ce genre d'organe», a avoué un médecin spécialiste exerçant à l'hôpital de Béni Messous. Pour le Dr Bekkat, «la cornée est un organe que nous pouvons prélever facilement sur un cadavre. Nous avons la possibilité de créer une banque de la cornée, sans la réticence des familles. C'est pour cela que nous demandons aux pouvoirs publics de mettre en place un système de carte de donneur, ce qui permettra de dépasser l'avis de la famille, si le mort a au préalable émis le souhait d'offrir sa cornée ou un autre organe pour sauver la vie d'une personne». L'autre volet qui nécessite une prise en charge en urgence est incontestablement le don de reins. Ce filtre naturel de sang que même la dialyse ne peut pas remplacer, sans compter le coût exorbitant de cette prise en charge sanitaire. «Nous demeurons au dernier rang par rapport à d'autres pays, en matière de don d'organes, mais nous pouvons dire que pour la cornée et les reins, des spécialistes en la matière existent et font un bon travail bien que la cadence des opérations chirurgicales reste faible», a encore estimé le Dr Bekkat, avant de conclure : «La transplantation de cœur ou de poumons reste chez nous un rêve, puisque pour des prises en charge cardiaques, nous faisons appel à des spécialistes étrangers.» En tout état de cause, le décret présidentiel pour le don d'organes est le bienvenu bien que les moyens matériels et humains ne soient pas encore tous réunis. Bien que la société demeure accrochée à la religion qui pourtant autorise le don d'organes, donner un organe d'un mort pour sauver un être est en soi un geste hautement récompensé. Nous ne pouvons continuer à acheter des organes au moment où nous enterrons les nôtres.