Youcef est né en 1981, l'année où la JSK a remporté la première Coupe d'Afrique des clubs champions. La JSK s'appelait alors la «JET», mais Youcef n'a jamais prononcé ce cigle, même si on lui a souvent dit que c'est sous cette appellation que son club a remporté le plus de titres, qu'elle a connu ses belles heures de gloire et qu'elle a dominé de la tête et des pieds le football algérien. Il n'est pas vraiment fétichiste, mais il était trop jeune pour garder un de ces souvenirs indélébiles qui puissent le renvoyer à quelque nostalgie. Trop jeune à l'époque, il est aujourd'hui trop intelligent et apaisé pour que la JSK lui serve d'exutoire. Youcef n'a pas non plus connu la période de la JSK tribune d'expression politique et d'affirmation identitaire. Il est seulement passionné de foot, et comme «tout kabyle qui se respecte», comme on dit, il est supporter de la JSK. Aujourd'hui, Youcef va assister à un match de qualification de son club pour la finale de «la plus prestigieuse compétition africaine» - comme on dit aussi - après plus d'une décennie d'ambition au rabais. Youcef aurait pu se suffire du bonheur d'en être là. Des années durant, les dirigeants de son club jubilaient d'avoir gagné des trophées de seconds couteaux, se fixaient des objectifs de gagne-petit. Il a appris que «parvenir à la phase des poules» était un exploit et récemment qu'atteindre les demi-finales «dépassait les prévisions les plus optimistes». Youcef n'a pas connu le «Jumbo JET» mais il sait que la JSK est un grand club, sinon il n'en serait pas si fou. Youcef est plus un supporter sérieux, consciencieux et disponible qu'un fan acharné, capable de toutes les folies et exposé au pire. Tout serein et apaisé qu'il est, il reste pour autant «mortellement» optimiste. Il est incapable de faire preuve de ce réalisme défaitiste qu'il assimile toujours au manque de conviction et il en accable les copains supporters «à la carte» ou «d'occasion». Pour Youcef, aujourd'hui est un grand jour non pas parce que la JSK va jouer la demi-finale, mais parce qu'elle va jouer le match qui va lui permettre d'atteindre la finale, ce n'est vraiment pas la même chose. Bien sûr, on lui a encore dit que ça allait être dur et qu'il va falloir tempérer ses ardeurs pour que la désillusion soit plus supportable. Bien sûr, mettre deux buts sans en prendre un seul à un club qui vous en a déjà mis trois et qui est le champion en titre n'est pas un jeu d'enfant, mais s'il savait la JSK incapable de tout ça, Youcef n'en serait pas si fou. Pourtant, quelques heures avant le début du match, en arrivant devant le portail du stade, il s'est dit à lui-même qu'après tout, une demi-finale, ce n'est pas si mal. Evidemment, et le bruit de la foule n'y est pour rien, personne ne l'a entendu. Serait-ce cela, le manque d'ambition ? Youcef répondra à la question au coup de sifflet final. Pour l'instant, il se précipite pour prendre une bonne place. Youcef est un supporter trop sérieux et consciencieux pour voir un match dans de mauvaises conditions. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir