La belle folie ! Fugue violente où s'extirpe la douleur. Mirage dans le bleu d'une oasis. Le rêve n'a pas de frontières. Il est colombe quand il exprime la paix. Exil. Douleur du corps. Désir insoutenable. L'âme se noie impétueusement dans les cris déchirants des sphères sublimes. Tumultueuse, Isabelle Eberhardt s'en alla avec l'ardente raison d'être, amalgamer les bribes de vie dans le désert de l'oubli. «Si mon destin est de mourir ici, dans le désert chenu, pas une main fraternelle ne s'entendra sur mes yeux morts… au dernier moment terrestre, pas une bouche fraternelle ne s'ouvrira pour la consolation ou la caresse.» C'est quelques mois seulement avant sa mort tragique qu'elle avait inscrit dans ses carnets intimes cette prémonition inquiétante. Isabelle Eberhardt est morte noyée le 21 octobre 1904. Elle n'avait que 27 ans. L'oued jaune auquel la ville doit son nom (Aïn Sefra) qui, ordinairement, est à sec en cette saison, se transforme en torrent qui envahit tous les quartiers de la ville. La maison d'Isabelle se trouva submergée par les eaux. Les murs s'effondrèrent sur elle. Ce Rimbaud féminin, comme beaucoup aiment à l'appeler, sillonna d'Algérie de 1897 à 1904. En 1900, quand elle se trouvait à El Oued, elle épousa Slimane Ehni. Certains critiques estiment que son amour très développé pour la littérature est une sorte d'apurement de comptes, d'expiation, de règlement de dettes de jeu que sa mère avait contractées en la conservant hors d'un mariage légitime, qui l'avaient poussée vers l'aventure. «Je ne dors pas. Aucune envie de dormir. En bas retentissent les cris déchirants d'une Russe qui accouche…», écrivait-elle en 1900. Impulsion. Douleur. Elles enfantent la fécondité, le mystérieux élan de vivre vers les rêves azurés. «Les êtres vraiment supérieurs en ce monde, telle qu'elle est de nos jours, sont ceux qui souffrent du mal sublime de l'enfantement perpétuel d'un moi meilleur.» Le cinéaste australien Ian Pringle lui a consacré un film Le travail littéraire est aussi un exil qui pousse à la conquête de soi et donne ainsi un nouvel élan de vivre. Isabelle, dans ce cas, a choisi le pays de chotts et de sebkhas dangereuses. «L'Algérie ! Il n'y a qu'une chose qui puisse m'aider à passer les quelques moments de vie terrestre qui me sont destinés, c'est le travail littéraire.» Un film parmi tant d'autres a été réalisé sur cette poétesse atypique par le cinéaste australien Ian Pringle, où Mathilda May campe le rôle titre, entourée de Tchéky Karyo et Peter O'Toole qui, près de trente ans après Lawrence d'Arabie, retrouve le désert pour un nouveau biopic, celui d'une femme énigmatique et complexe, obsédée par sa quête de liberté absolue et sa volonté farouche de combattre l'injustice.