Le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Daho Ould Kablia, a fourni hier des explications sur les raisons qui font que le projet de loi criminalisant le colonialisme soit toujours bloqué et n'aboutisse toujours pas à son adoption au niveau de l'Exécutif. Il a mis fin à la polémique qui a longuement circulé sur ce sujet brûlant en limitant la criminalisation du colonialisme à un simple acte de dénonciation morale qui reste un objectif qu'il faut «politiquement atteindre». Pour lui, la raison essentielle du blocage de ce projet de loi présenté plusieurs fois par les groupes parlementaires de plusieurs tendances politiques réside dans le fait que «ce projet de loi est sans fondement juridique», a-t-il précisé hier en marge de son intervention à l'APN sur la loi budgétaire de son secteur. «Pour qu'une loi passe, elle doit avoir un fondement juridique qui se constitue à partir des dispositions générales du code pénal, chose qui n'existe pas dans notre code pénal. Ce dernier ne fait pas allusion aux faits et gestes qui sont justiciables d'une procédure de poursuite et d'examen, ni aux personnes physiques qui sont citées à comparaître et ne prévoit pas les sanctions qu'elles soient sous forme d'indemnisation ou autres», a-t-il expliqué. L'autre facteur qui fait que cette loi n'a aucune chance de passer est dû à la période de la parution de notre code pénal. «Le code pénal est postérieur à la période considérée (coloniale), et il n'y a pas d'effet rétroactif pour l'application d'une loi», a t-il encore ajouté. Néanmoins, M. Ould Kablia estime que la revendication exprimée par le peuple et la société civile, poussant la France à reconnaître ses crimes, est légitime. «Sur le plan politique, je partage le fait que le colonialisme et l'armée française ont commis des actes abominables, des crimes contre l'humanité. Ces choses sont dénoncées et ne peuvent être condamnées que d'une manière morale», a-t-il encore expliqué. Acte moral Le ministre de l'Intérieur dira que les appels multiples lancés en Algérie comme en France pendant la période coloniale et après l'indépendance, où des dizaines de personnes, d'associations et d'institutions ont demandé à la France de reconnaître ses crimes, de faire acte de repentance et de demander des excuses au peuple algérien, «restent des objectifs moraux qu'il faut atteindre politiquement». Il a ajouté qu'au titre du pénal, «ce qui n'a pas pu être fait pendant 40 ans, ne peut l'être 50 ans après». Pour Daho Ould Kablia, la question de la criminalisation du colonialisme reste «une carte politique entre nos mains pour rappeler à la partie française les crimes qu'elle a commis et qu'il y a une repentance et des excuses à présenter au peuple algérien», a-t-il résumé, soulignant que «les accords internationaux priment sur le droit». Concernant l'indemnisation des victimes des essais nucléaires de Reggane, le ministre dira que «ce sont des choses qui se négocient entre les deux parties» et que «l'Algérie n'a pas présenté un dossier sur cette question». Il a refusé de donner plus de détails sur la question qu'il estime être du ressort du ministère des Affaires étrangères. Acquisition de 600 appareils pour le biométrique Concernant le procédé de fabrication de la carte nationale et du passeport biométriques, Daho Ould Kablia, a reconnu que les choses vont très mal pour les citoyens au niveau des collectivités locales censées délivrer les documents nécessaires pour la constitution des dossiers. La raison de cette anarchie réside, selon le ministre, dans le fait que les citoyens sont tous pressés d'avoir le document biométrique. «Nous avons trouvé une solution en donnant la possibilité au citoyen de retirer un passeport ordinaire d'une durée de deux ans valable pour avoir un visa selon l'ancienne procédure», dira le ministre, en expliquant que la longue attente et le retard enregistré dans la délivrance de ces documents sont dus à la forte pression enregistrée dans les guichets de l'état civil. «Cela fait qu'il y a des endroits où le 12 S est délivré dans l'après-midi, et dans d'autres cela prend plus de temps», a-t-il précisé. En affirmant que les imprimés du 12 S sont disponibles dans toutes les communes et que les documents officiels demandés pour le biométrique sont connus et affichés sur le site et dans les sièges des APC, le ministre dira que le centre national de fabrication des documents biométriques est déjà fonctionnel. Le retard enregistré est dû, selon lui, au manque d'équipements. «Le centre est déjà opérationnel et dispose de 60 appareils de prise de photo et d'empreintes mais il nous manque 600 nouveaux équipements d'enregistrement et d'enrôlement des données biométriques, alors que nous n'avons que 80 seulement. L'appel d'offres pour l'acquisition de ce matériel a été lancé, nous sommes en phase d'examiner les offres de trois entreprises dont les offres sont retenues pour la sélection de la société qui prendra le marché», a-t-il encore expliqué. Le ministre de l'Intérieur dira que l'échéance fixée pour la mise en circulation du passeport biométrique est novembre 2015. «Nous avons largement le temps pour être prêt à cette date», a-t-il encore ajouté. Ould Kablia promet que ses services travaillent pour généraliser les documents biométriques à toutes les autres pièces administratives, dont la carte grise. «Une fois qu'on aura fini avec le passeport et la carte nationale, nous allons passer à la carte grise qui ne sera plus fabriquée de la façon traditionnelle», a-t-il précisé, en soulignant que cela commence par la numérisation des services de l'état civil. Il citera le cas de la ville d'Oran qui dispose actuellement de 4400 registres de l'état civil scannés et prêts. Remise des armes possible pour combattre le terrorisme Concernant la question de la remise des armes à la population, le ministre dira que cette question ne dépend pas de son département. «Ça ne dépend pas du ministère de l'Intérieur, qui sera chargé de l'application d'une décision du ministère de la Défense nationale», a souligné Ould Kablia. Il a précisé cependant qu'il y a possibilité de redonner des armes aux populations qui les sollicitent pour combattre le terrorisme. A propos de l'éradication des marchés et des parkings sauvages, le ministre dira que cette opération vise à diminuer l'anarchie qui règne dans les places publiques et à instaurer plus d'organisation. «Nous voulons régulariser certains parkings et les mettre sous l'autorité de l'APC et des services de sécurité. C'est la même chose pour les marchés anarchiques que nous avons décidé de transférer vers des endroits plus appropriés et d'éliminer ceux qui sont mal situés», a-t-il expliqué.