Kheiredine Boukhrissa, président de la fondation du 8 mai 1945, a tenu à réagir aux déclarations du ministre de l'Intérieur et des collectivités locales Dahou Ould Kablia à propos de la loi criminalisant le colonialisme. M. Boukhrissa s'est interrogé sur les blocages qui empêchent la refonte de nos lois de façon à permettre à cette loi de suivre son chemin et d'aboutir à ses objectifs clairs et nobles. Répliquant à l'argument du ministre qui estime que ce texte n'a pas de fondement juridique, le président de la fondation dira que cette revendication populaire peut avoir comme fondement les textes et les juridictions internationales dont le contenu est largement suffisant pour la faire aboutir. «La criminalisation du colonialisme par d'autres voies et moyens ne nécessite pas un socle juridique, comme le suggère notre ministre de l'intérieur. Elle s'appuie sur des juridictions internationales qui, à elles seules, offrent matière à juger et incriminer», a-t-il souligné dans un communiqué transmis hier à notre rédaction. «Et si cela nécessite une mise à niveau de nos règles juridiques, en quoi cela pourrait-il être un obstacle dans leur élaboration ?» s'est-il interrogé en notant que «tous les pays dignes de ce nom qui ont été touchés dans leur chair et blessés jusqu'aux os ont fait acte de jurisprudence». «Nuremberg a bien eu lieu pourtant» Poussant plus loin sa réflexion, M. Boukhrissa évoque les expériences de certains pays en la matière. «Quand la France a décidé de traduire en justice les criminels de guerre allemands à Nuremberg, a-t-elle été contrainte de modifier ses codes ? Non ! Elle s'est appuyée sur les tribunaux internationaux pour arriver à ses fins. Et quand elle a décidé de voter une loi valorisant le colonialisme, a-t-elle été contrainte de mesurer la sensibilité de nos indigènes ? Bien entendu, non ! Elle a agi en toute souveraineté, sans philosophie ni érudition politique pour nous rabaisser encore une fois. A-t-elle fait preuve de respect mutuel quand elle a mis sous contrôle judiciaire notre diplomate Hassani ? A-t-elle attendu notre avis pour créer sa fondation sur l'écriture de l'histoire pourtant décriée par ses propres historiens ?», souligne-t-il dans sa déclaration. M. Boukhrissa propose d'ouvrir un débat national sur la jurisprudence afin de trouver la meilleure manière d'élaborer cette loi pour qu'elle soit conforme à la juridiction nationale et répondre aux objectifs attendus. «Si cette loi ne cadre pas dans sa forme à incriminer le colonialisme, elle peut être modifiée. Un débat est donc nécessaire et non une porte close sur la jurisprudence», note le président de la fondation 8 mai 1945. Il va plus loin en interpellant Daho Ould Kablia à introduire une plainte contre les responsables du génocide commis le 8 mai 1945. «Et si elle (cette loi ndlr) semble incomplète pour atteindre les objectifs souhaités, aidez-nous, M.le ministre, à la modifier et à introduire une plainte contre les criminels des massacres de mai 1945 qui ont fait plus de 45 000 victimes et ce, dans le cadre de «la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948», une convention qui consacre l'imprescriptibilité des crimes commis contre des populations civiles», a-t-il souligné. «Car il n'y a pas que cette date qui nous soit préjudiciable. Il y a 132 ans d'humiliations, de razzias, de massacres, de déportations en Calédonie, mai 1945, 17 octobre 1961, de tortures, d'exécutions sommaires, et j'en passe. La balle est entre vos mains. Vous en êtes responsable devant Dieu et devant l'histoire», a conclu M. Boukhrissa.