Les fruits et légumes étaient intouchables hier au niveau des marchés de la capitale. Les prix ont atteint des niveaux jamais égalés ces dernières années. «On savait que les prix allaient être revus à la hausse à cause des intempéries mais jamais à ce point», s'indignent des consommateurs rencontrés au marché populaire de Chéraga. D'habitude, c'est vendredi matin que les ménages font leurs emplettes. Mais hier les acheteurs se sont fait rares au marché de Chéraga. «J'ai prévu 1500 DA pour faire mes emplettes, mais avec les prix qui se pratiquent, je ne sortirai pas avec un repas quotidien», nous dit un citoyen. Le constat est là : tout est cher, et cette phrase est relayée aux quatre coins du marché. Devant les étals des commerçants, peu de gens s'arrêtent. Selon une ménagère, «ces quelques gouttes de pluie vont donc nous priver de nourriture». A l'entrée du marché, trois poissonniers étalent leur marchandise, habituellement Rafik et ses collègues ne crient pas, mais le manque de «visiteurs» les incitent à le faire. Sans grand succès. «Nous ne pouvons même pas revoir nos prix à la baisse, vu le manque de poisson en mer, mais surtout par rapport aux pêcheurs qui ont bouclé une semaine de repos, la mer est agitée et personne ne peut s'y aventurer», révèle le jeune poissonnier. La sardine est à 300 DA, le merlan à 1600 DA, la raie à 2200 DA et enfin la crevette à 2500 DA !» Avant, on disait «iîch ya guellil» (vis, ô le pauvre) mais, maintenant, même le riche n'arrive plus à suivre, tout est cher», a ajouté Rafik. A l'entrée principale du marché, les vendeurs de menthe, de céleri et autres plantes aromatiques suivent la valse de la flambée. En temps normal, un bouquet de menthe est cédé à 10 DA. Hier, au marché de Chéraga, il était proposé à 30 DA. «C'est la folie du panier», commente Zaki, vendeur. «Les intempéries empêchent la récolte» L'oignon a retrouvé son trône. Il y a de cela une semaine seulement, ce légume se vendait à 20 DA, mais depuis les dernières intempéries, il est affiché à 50 DA. Aucune explication n'a pu être donnée par les vendeurs, l'oignon est un légume qui peut se conserver pendant un an et davantage. Mais comme la tendance est à la flambée, les marchands haussent son prix, histoire de se faire plus d'argent. C'est du moins l'explication donnée par un gérant du marché, qui avoue avoir entendu une discussion d'un groupe de marchands qui ont décidé d'augmenter le prix de l'oignon. Chez la plupart des commerçants, les légumes sont hors de portée : la pomme de terre est à 80 DA, la carotte à 70 DA, la courgette à 90 DA, les navets à 80 DA, le poivron à 180 DA, le piment lui emboîte le pas à 160 DA, au même titre que les haricots verts, cédés à 180 DA ! Des prix fous. Mais la «star» incontestée du marché reste l'ail qui avoisine, tenez-vous bien, les… 760 DA le kilo. La salade n'est pas donnée, elle est cédée à 130 DA ! Quelques commerçants ont admis que les prix pratiqués sont hors de portée. Mais ils justifient cette flambée par les dernières intempéries qui ont empêché les agriculteurs de pénétrer dans leurs champs pour d'éventuelles cueillettes. «La terre est boueuse et la cueillette de n'importe quel légume est impossible. Sans parler des fellahs qui ont vu leurs récoltes submergées par les eaux, ce qui a causé des pertes considérables aux cultures», explique-t-on. «Les spéculateurs et les revendeurs possédant des chambres froides commencent à se frotter les mains. Hier soir, le haricot vert était introuvable au marché d'El Harrach, les grossistes l'ont fait disparaître des étals pour augmenter son prix, et vous voyez, il est cédé à 180 DA», nous précise-t-on. Les viandes… à admirer ! Dans la dizaine de boucheries situées à l'intérieur du marché de Chéraga, les prix sont loin du porte-monnaie du citoyen. La viande ovine est cédée à 880 DA, la viande bovine à 850 DA, le steak à 1200 DA et le foie à 1800 DA, de quoi avoir le tournis à la sortie du marché. Même la dinde et le poulet vers lesquels se rabattent les citoyens ont connu une flambée vertigineuse. Le kilogramme d'escalope de dinde varie entre 630 et 680 DA, le poulet quant à lui est cédé à 360 DA/kg. Des produits que les vendeurs tentent de présenter comme n'étant pas chers. «Le manque d'aliments et les frais de transport sont derrière cette flambée. Il y a aussi les intempéries qui rendent la praticabilité des chemins menant vers les poulaillers impossible, d'autant que les hangars se trouvent dans des champs», nous explique un marchand de volaille. Nous sommes à l'intersaison. Il n'y a plus de fruits d'été à la fin octobre, et les fruits d'hiver ne sont pas encore prêts, ce qui crée un vide dans les marchés. Du coup, les seuls fruits qui exposés sont importés, donc deux à trois fois plus chers que les produits locaux. Le hic est que même les dattes sont chères. Elles sont proposées à 450 DA, pour un fruit bien de chez nous. Pour le reste, à savoir la banane, elle est affichée à 120 DA, la poire à 100 DA, les oranges à 130 DA et la mandarine à 150 DA. Pour ce qui est des deux derniers cités, un marchand nous explique : «Les fortes pluies qui se sont abattues sur notre pays ont vraiment endommagé les cultures d'orange et de mandarine, un de mes fournisseurs de la wilaya de Blida a perdu 25% de sa récolte et il perdra le reste si la pluie continue de tomber». Même son de cloche chez Yazid qui cultive la pomme de terre et la carde dans les environs de Birtouta : «Si le soleil ne revient pas pour assécher la terre, je peux dire adieu à ma récolte, tout le champ est submergé d'eau et la pomme de terre est connue pour être un tubercule qui est périssable sous l'eau. Le peu de stock que j'ai au garage, je dois le vendre à prix fort pour pouvoir me sortir d'affaire.» Le mot «intempéries» a été répété et soulevé par l'ensemble des acteurs du secteur de l'agriculture. Toute la chaîne est touchée, ce qui explique la hausse des prix vertigineuse qui ne laisse guère le choix aux citoyens que de se rabattre sur les légumes… secs.