Le tribunal correctionnel d'Akbou a rendu hier son verdict dans l'affaire concernant les 8 jeunes d'Ighzer Amokrane accusés de dénigrement et d'atteinte à l'un des préceptes de l'islam pour non-observance du jeûne, en prononçant la relaxe pure et simple après une séance de près de 3 heures où les accusés ont été entendus par le président du tribunal qui a écouté également les plaidoiries d'une quinzaine d'avocats de la défense, lesquels ont tour à tour tenu à convaincre le juge du caractère imprécis et flou de l'article 144 bis 2 du code pénal, qui ne cite pas clairement le grief reproché aux 8 accusés, qui est la non-observance du jeûne. L'acquittement des accusés a provoqué une joie indescriptible parmi les accusés, le collectif des avocats, les présents ainsi que la foule compacte à l'extérieur du tribunal venue soutenir les accusés. Soulagement et joie indescriptible après le verdict Deux mois d'angoisse, de sommeil perturbé et de scénarios les plus fous quant à l'issue du procès ont été balayés d'un revers de main après la prononciation de la relaxe. Chikaoui Arab, 27 ans, accusé principal et propriétaire du local incriminé, nous a fait une déclaration à chaud, juste après la relaxe, où il dira, très ému d'ailleurs : «Je suis très soulagé d'être relaxé, et surtout très content pour ma famille. Cela fait deux mois que je ne dormais pas tranquille. Je remercie tous ceux qui m'ont soutenu, les avocats, les étudiants, les amis et tous les citoyens.» Même émotion chez l'autre accusé, Sadki Abderrahmane, qui dira en substance : «C'est un grand soulagement pour moi, ma famille et tout le monde. Je vous jure que j'ai laissé ce matin (hier, ndlr) ma mère en pleurs lorsque j'ai quitté la maison pour le tribunal (...); je vivais dans l'angoisse pendant ces deux derniers mois. on est libres !» Les avocats des accusés ne pouvaient pas, pour leur part, ne pas être aux anges après l'acquittement de leurs clients. Maître Benkadoum Karim a tenu à exprimer aussi sa joie en déclarant: au sujet de l'article 144 bis 2 : «Le tribunal a jugé que l'article 144 bis 2 ne s'applique pas aux faits reprochés». Sur le perron du tribunal et à l'extérieur, une foule compacte, estimée à des centaines de personnes, jubilait à l'annonce du verdict, avec des slogans chers au MAK et au mouvement citoyen. Une foule composée de militants du MAK, d'anciens délégués des arouch, des élus locaux, des militants des partis du MDS, PST, du collectif des étudiants de l'université de Béjaïa, SOS liberté et des centaines de citoyens anonymes ont tenu un rassemblement de solidarité avec les accusés devant le tribunal d'Akbou. Salhi Saïd, responsable du bureau de la Laddh : «Nous espérons que le procès fera jurisprudence» Approché pour avoir ses impressions à l'issue du procès qui a vu le tribunal prononcer la relaxe pure et simple des jeunes accusés, Saïd Salhi dira : «cette relaxe est une victoire, rendue possible grâce à la mobilisation des militants de tous bords. On espère que le procès fera jurisprudence. On félicite le collectif des avocats de la défense et tous les citoyens présents. Cet article 144 bis 2 est utilisé à tort et à travers, et pour cela, nous demandons son amendement». Un procès très médiatisé En plus de la presse écrite qui était présente à travers ses correspondants locaux, le procès des 8 non-jeûneurs a intéressé également les médias lourds. Ainsi, la chaîne d'information en continu France 24 s'est également intéressée à ce procès et a recueilli des informations et les impressions des accusés et de leurs avocats. C'est dire la dimension qu'a pris ce procès qui a dépassé les frontières mêmes du pays. Dénigrement... Durant toute la plaidoirie, les avocats des accusés se sont focalisés sur le mot «dénigrement» que comporte l'article 144 bis 2, en tentant d'argumenter et surtout de convaincre le président du tribunal à coups d'exemples et de cas très connus mondialement. Dénigrer, discréditer, manquer de respect... les définitions ne manquaient pas pour les avocats qui insistaient sur la non-concordance des faits reprochés avec la réalité, puisque les accusés ont mangé bien loin des regards des autres. Des avocats citent des exemples de dénigrement en renvoyant l'assistance aux caricatures d'un journal danois qui dénigrait le prophète Mohamed, pour étayer que là, il s'agissait d'un dénigrement, et non pas «d'un jeune qui a «cassé» ramadhan» avec une tasse de café !» pour paraphraser un accusé, tout heureux d'être relaxé.