Alors que son livre sur Guerouabi tient encore une bonne place sur les étals des librairies, Abdelkrim Tazaroute ressort sa double carte de journaliste et artiste en signant un bel ouvrage intitulé Lamari, le ténor de la Casbah. Tazaroute devait avoir de vraies difficultés avant de commencer l'écriture de ce livre, car il y a beaucoup de choses à dire concernant la riche carrière du chanteur Mohamed Lamari, donc, il y avait des risques d'oublier des choses importantes ou des anecdotes à rapporter. Mais, comme il l'a fait pour Guerouabi, le journaliste Tazaroute a foncé et il a bien fait, car le bon résultat est bien là. L'ouvrage est bien réalisé et nous permet de replonger dans le bon vieux temps et revivre l'âge d'or de la chanson algérienne. L'ouvrage que nous offre Tazaroute est comme un beau film nous ramenant à notre enfance, lorsque toute la famille s'entourait autour du pick-up ou du magnétophone à bobine pour écouter Driassa, Seloua, Guerouabi ou Lamari. Il faut dire qu'après l'indépendance, la barre était placée haut et les jeunes chanteurs tels que Lamari devaient arracher leur place face à des sommités comme Abderrahmane Aziz. Dans la chanson moderne, il y avait de talentueux chanteurs tels Mahieddine Bentir, Mohamed Slim, et Lamari a réussi vite à monter au hit-parade avec des succès éternels tels que Mansitchi, Semmoura et Djazairia. Les musiques des premières chansons de Lamari étaient signées par le compositeur Haddad Djilali. D'autres musiciens composeront pour lu, notamment Mahboub Bati qui lui offrira la musique de Ah ya Qalbi. A certains moments, on reprochait à Lamari ses gestes exagérés, mais son jeu de scène faisait partie de sa personnalité. Un réalisateur a toutefois réussi à le convaincre à chanter Qom Tara en costume et sans faire de geste. C'était une réussite, mais le film n'est plus passé à la télévision, car la sublime voix de Lamari a dû déranger certains conservateurs de la musique andalouse. Une carrière exceptionnelle Tazaroute rappelle dans son livre le grand itinéraire de l'artiste qui a quitté les escaliers de la Casbah pour monter sur la scène artistique pour ne plus redescendre. En 60 ans de carrière, Lamari n'a jamais cessé de chanter, et l'idée de retraite n'a jamais traversé son esprit. D'ailleurs, il est toujours jeune et a une vraie allure de sportif. Le beau livre paru aux éditions Rafar nous offre plusieurs anecdotes concernant le chanteur et de très belles photos où on le retrouve avec des personnalités politiques telles que Bouteflika et Ferhat Abbas et de grands artistes algériens et étrangers, notamment Mustapha Kateb, Jean Vilar, Guerouabi, Seloua et Abdelhalim Hafedh. Dans le livre de Tazaroute, le vrai Lamari, celui qui chante et fait vibrer sa voix tantôt mielleuse, tantôt cassante et même criante. On redécouvre le chanteur qui n'hésite pas à dire si fort ce qu'il pense, lancer sa forte voix dès qu'on l'invite à reprendre une chanson des années 1960 et se vanter car il a de quoi se vanter… Il est monté sur les plus grandes scènes, a chanté aux côtés des plus grandes stars et fait des tournées dans les plus beaux pays du monde. Avec sa voix exceptionnelle et son jeu de scène, il a séduit tous les publics de tous les âges. Tazaroute nous apprend, à la fin de l'ouvrage, que Lamari a failli chanter le raï lorsqu'il était marginalisé. Il ne l'a pas fait. Heureusement pour lui et pour la chanson algérienne, car un chanteur de sa trempe et un homme aussi digne que Lamari ne devait pas s'abaisser dans les moments les plus durs.