Le cercle infernal des kidnappings a repris de plus belle en Kabylie. Il ne s'est jamais réellement arrêté depuis déjà plusieurs années. Mais les populations locales, plus que jamais conscientes du danger qui les guette, s'organisent, font pression et réussissent à faire plier les ravisseurs, terroristes pour les uns, grands bandits pour les autres, qui ont fait du kidnapping un moyen d'extorquer des sommes colossales à de paisibles gens, entrepreneurs surtout mais aussi d'autres citoyens. Un marché lucratif est né qui a accentué le climat de terreur et d'insécurité en Kabylie, une région qui voit, hélas, s'envoler ses espoirs de développement, d'autant que nombre d'entrepreneurs ont, depuis des lustres, quitté la région alors que d'autres hésitent à venir investir dans cette région aux multiples potentialités. L'entrepreneur d'Aghribs, Hand Slimana, inhumé samedi dernier dans son village natal Imekhlef, a hélas fait les frais de son courage, lui qui a refusé de quitter son patelin pour aller investir ailleurs où les offres ne manquent pourtant pas. «C'est un pilier de la région. Modeste et doté d'un esprit de solidarité sans faille, il a préféré investir chez lui et aider les jeunes de son village et des villages alentours. Il finance la waâda du village chaque année sans compter les divers dons qu'il distribue aux associations», nous déclarait le jour de son enterrement le P/APC d'Aghribs. Malgré le redéploiement plus que visible des forces de sécurité dans la région, les enlèvements, suivis généralement de demandes de rançons, sont devenus monnaie courante. Ne sachant plus à quel saint se vouer, les citoyens de la région décident de se prendre en charge. «Soyons unis, soyons solidaires, c'est notre seul salut» Exacerbées par ce climat plus que destructeur, fait de terreur et de violence, suivi souvent de mort d'homme, les populations reprennent leurs valeurs ancestrales de solidarité, de mobilisation, seules à même d'assurer leur salut. «Soyons unis, soyons solidaires, c'est là notre seul salut», appelait samedi le président d'APC d'Aghribs qui lançait un appel à une imposante marche à Fréha. La marche aura lieu aujourd'hui malgré la libération de l'otage car il n'est plus question pour les populations locales de rester les bras croisés. «Des millions de dinars ont été versés à des groupes armés inconnus, restés souvent impunis», nous déclarait un membre d'un comité du village d'Iflissen qui a eu à subir la même peur. «Aujourd'hui, nous devons nous prendre en charge nous- même», lâche-t-il. Grâce à la mobilisation citoyenne, T. Abdallah, un gérant d'un restaurant à Issenadjène (Iflissen), kidnappé pour la seconde fois en 2009, a été relâché sans payement de rançons suite à la mobilisation de tous les villages de la commune dont les citoyens ont «encerclé» le maquis où était détenu l'otage. C'est une première qui a donné des idées à tous les villages kabyles. En avril dernier, un vieil homme de Boghni a été aussi relâché après 25 jours de captivité. Pas de rançons. La mobilisation citoyenne «apolitique» paie souvent. Si des rançons ont été payées par le passé pour obtenir la libération des otages à Azzefoun, Maâtkas, ou encore à Iflissen, la peur a aujourd'hui changé de camp. Un sursaut d'orgueil est né et c'est dans cet esprit que veulent se «replacer» aujourd'hui l'ensemble des villages kabyles, dont certains, comme à Bouira, exigent des autorités la restitution de leurs armes «pour pouvoir assurer leur propre sécurité». 60 enlèvements en 4 ans, c'est trop, semblent affirmer aujourd'hui les citoyens de Kabylie. S'ils sont prêts désormais à se réorganiser en comités, en cellules, en «arouch», comme dans le temps, il n'en demeure pas moins que la solution, certes efficace, doit avoir des «assises» dans le cadre d'un plan global de sécurité nationale. Il faut que la vie reprenne son cours normal dans cette région qui a tant donné au pays.