Dès la chute d'Alger, en 1830, la France coloniale ambitionna de convertir les populations autochtones au christianisme afin d'annihiler toute forme de résistance. En Kabylie, surtout, et dans quelques régions choisies du Sud algérien, l'Eglise usa d'une multitude de subterfuges pour contraindre des villages entiers à embrasser la foi chrétienne, en offrant, en retour, le gîte et le couvert à tous ceux qui se reconnaîtraient en Jésus. En dépit des moyens colossaux déployés par Mgr Lavigerie, l'évangélisation fut un véritable échec : à l'exception de quelques familles plus ou moins aisées, la masse des convertis se composait d'orphelins, de veuves sans ressources et de quelques pauvres hères que la conquête militaire avait jetés dans les rets de la misère. On venait à l'Eglise non pour affirmer ses convictions religieuses mais pour manger à sa faim et se vêtir, quand frappait, dans les campagnes désolées et les montagnes arides, la disette et la famine. C'est d'ailleurs l'idée générale que se font, à ce jour, nos concitoyens de l'Eglise, l'endroit croit-on où l'on peut manger, s'habiller et, pourquoi pas, recevoir quelque argent de poche, juste en se signant de la croix. Les nouveaux convertis, de plus en plus nombreux depuis ces dix dernières années, notamment en Kabylie, n'arrivent pas à se défaire de la piètre idée que se font d'eux leurs compatriotes musulmans ou se prétendant comme tels, qui considèrent que leur conversion au christianisme est d'abord et avant tout motivée par des intérêts bassement matériels. On croit, en effet, qu'un chrétien, catholique ou protestant, peut bénéficier de quelques facilités en matière d'octroi de visa pour visiter un quelconque pays de culture judéo-chrétienne – l'Occident pour être plus précis – ou, à tout le moins, trouver un emploi bien rémunéré dans une des grandes entreprises européennes opérant dans notre pays. Autant de clichés que les nombreux Algériens, jeunes et moins jeunes, qui ont embrassé la foi chrétienne, tentent par tous les moyens de combattre. Pour beaucoup, la conversion au christianisme est une question de choix, de «conviction personnelle». D'autres, considérant que les lois du pays reconnaissent le droit à la liberté religieuse et de conscience, regrettent que l'on veuille à tout prix imposer une seule et unique religion aux citoyens de ce pays. S'ils rejettent les méthodes inquisitoires et absolutistes des islamistes intégristes, nombreux sont les convertis au christianisme qui partagent les mêmes croyances avec les musulmans. Non seulement ils croient en l'envoyé de Dieu, Mohamed, mais font honneur à l'aïd et aux autres fêtes de l'Islam. Comme disait un autre jeune chrétien à notre reporter, «je suis un chrétien convaincu mais je me suis marié selon les principes de l'Islam». A commenter.