«Ils sont venus ! Ils sont venus !» Les enfants étaient assis sur le haut de la colline surplombant la route principale qui mène vers le centre-ville de Bir Mourad Raïs (Alger). Ils étaient là, à Diar Echems, dans la commune d'El Madania (ex-Clos Salembier) attendant l'arrivée des camions qui devaient les transporter vers leur nouveau lieu de résidence. Ces enfants et d'autres sont en effet concernés par l'opération de recasement annoncée jeudi dernier par le directeur du logement de la wilaya, Mohamed Smaïl. Cette opération, la dernière pour l'année 2010, sera réalisée dans le cadre du programme portant résorption progressive de l'habitat précaire. Dans le seul quartier de Diar Echems, 520 familles sont sur la liste de départ sur un total de 1586 familles touchées par le relogement en cours jusqu'à demain. Plusieurs camions avaient déjà pris position à l'entrée du siège de l'Eepad (fournisseur d'accès à Internet) en contrebas de la cité. Les autres y arrivaient au fur et à mesure que le temps passait. Les enfants les regardaient stationner et attendaient de les voir monter vers leurs immeubles. Il était midi et demi. L'heure de l'embarquement est venue. Quelques bus commençaient à pénétrer la cité. Ils se dirigeaient directement vers le bâtiment A4. Leur apparition y a créé un surcroît d'animation. La majorité des familles à transférer habitaient cet immeuble, constitué de 5 étages et de plusieurs îlots. Tout le monde, hommes, femmes et enfants s'employait à terminer les préparatifs du déménagement. Il était question surtout d'arracher tout ce qui peut l'être, mêmes les portes d'entrée et les fenêtres. Les consignes sont claires : rien ne devrait rester sur place après leur départ. Aussi, les coups de marteau ont-ils créé un vacarme indescriptible. Les plus avisés d'entre eux s'arrangeaient à vendre le mobilier sur place, souvent trop encombrant sachant que les logements auxquels ils auront droit à titre de location ne peuvent pas tout accueillir à cause du manque d'espace. D'autres personnes profitaient de l'occasion afin de faire dans la récupération des produits plastiques et des déchets ferreux. C'est le cas d'un commerçant dont le véhicule est immatriculé à Tipaza. Les enfants n'arrêtaient pas de lui fournir ce qu'il cherchait. Quand il refusait de payer, ils les lui cédaient gratuitement. L'essentiel est de s'en débarrasser à moindres frais. Contrairement aux autres opérations réalisées jusqu'ici, notamment à Diar El Kef (septembre dernier), la wilaya n'a pas mobilisé ses agents manutentionnaires à Diar Echems. Tout au plus quelques travailleurs qui tentaient de récupérer des déchets abandonnés sur la voie publique intérieure, au moment où c'est toute la cité qui croule sous les ordures qui s'entassent dans le moindre coin. Ces agents paraissaient très amusés de voir des centaines de personnes allant dans tous les sens, visiblement heureuses de voir les autorités accéder à leur demande maintes fois exprimée –par les émeutes parfois – de logements décents. Tout cela se passe au sein de la cité. Derrière le bâtiment A4, c'était le calme. La raison ? L'immeuble situé en contrebas a déjà été évacué de ses occupants en mars dernier. C'était à l'occasion de la première opération réalisée dans le cadre de ce plan d'éradication de l'habitat précaire, et qui a touché 510 familles. La wilaya a lancé son programme à Diar Echems. Elle vient de réaliser une dernière opération pour cette l'année dans le même quartier. En tout, 1030 familles ont définitivement changé d'adresse. Seulement voilà : les bâtiments vidés de leurs locataires depuis maintenant 9 mois sont livrés aux… pigeons.