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«J'ai beaucoup de projets en chantier»
Abdelkrim Tazarout, journaliste-écrivain
Publié dans Le Temps d'Algérie le 01 - 01 - 2011

Abdelkrim Tazarout s'est investi dans la biographie et le parcours artistique de personnalités de la chanson algérienne ; son credo est de sauvegarder ce patrimoine culturel et pérenniser ces figures de proue de la chanson algérienne. Son ouvrage témoigne d'un travail minutieux empreint de rigueur.
Soucieux de garder des traces de ces personnalités du gotha culturel, qui ont fait l'histoire de la chanson et appartenant à cette mémoire collective, Abdelkrim a enjambé le temps pour amasser de multiples informations nécessaires à ces biographies sans se départir de cette véracité historique.
Dans cet entretien, Abdelkrim Tazarout mentionne objectivement la difficulté du témoignage ; mais cela ne l'a pas empêché de poursuivre dans cette voie. Il dévoile les différentes facettes de Mohamed Lamari, ce ténor de la chanson qui s'est maintenu durant près d'une soixantaine d'années.
Le temps d'Algérie : comment avez- vous eu l'idée de faire un ouvrage sur le chanteur Mohamed Lamari
C'est dans la continuité du travail sur la mémoire que j'ai entamé avec l'ouvrage que j'ai consacré à El Hachemi Guerouabi. Mohamed Lamari était déjà une grande vedette de la chanson algérienne quand j'étais encore enfant.
C'est dire que Lamari a marqué la sphère de la chanson algérienne depuis son jeune âge. Il totalise plus de soixante-deux ans de carrière avec, bien sûr, des heures de gloire et des années de vague à l'âme. Lamari est le chanteur moderne par excellence, par sa manière singulière d'interpréter ses chansons mais aussi par sa manière d'être, sa vivacité sur scène, ses tenues artistiques. Lamari est assurément l'une des meilleures voix de la chanson algérienne.
L'homme aussi est attachant et puis je le connais car j'ai suivi sa carrière artistique depuis plus d'une trentaine d'années. Lamari a eu un parcours exceptionnel, il a eu des offres intéressantes en France au lendemain de l'indépendance mais il a, comme il aime à le répéter, choisi l'Algérie. Il a un parcours atypique qui méritait d'être connu du grand public.

Avez-vous rencontré des difficultés pour recueillir des informations fiables sur l'artiste?
Lorsque vous entamez ce type de recherches vous vous rendez compte de la difficulté de cette démarche. Il faut remonter le temps et ce n'est pas toujours évident faute de mémoire, faute d'archives et la mémoire de l'intéressé peut par moments être défaillante. Cela étant, plus vous rencontrez des difficultés,
plus vous êtes contraints de multiplier les pistes et ça devient alors chemin faisant, plus motivant et plus intéressant. Bien sûr qu'il faut procéder à des recoupements, vérifier les témoignages, multiplier les sources mais même avec toutes les précautions prises, des erreurs peuvent se glisser mais pour l'essentiel, la vie et le parcours artistique sont restitués.

Quel regard avez-vous eu sur ce chanteur qui a su se maintenir durant près de soixante années ?
Je suis admiratif. Il est difficile d'imaginer que Lamari s'est fait tout seul, qu'il a mené sa carrière sans même le moindre conseiller artistique. Il avait un don, une voix et puis, il a su gérer au gré des circonstances. Sur scène, il est extraordinaire, il réussit toujours l'exploit de créer l'événement avec son répertoire pourtant, pour l'essentiel,
vieux de plus d'une cinquantaine d'années. C'est le miracle Lamari, la baraka, comme le soulignent des confrères lorsqu'ils le voient sur scène. Il chante encore alors que déjà dans les années soixante, on disait à son encontre «depuis le temps qu'il chante, celui-là». En vérité, je suis convaincu qu'avec plus de rigueur de sa part et avec de grands compositeurs, Lamari aurait eu une toute autre carrière…

Par ce travail de recherche pensez- vous participer à la sauvegarde du patrimoine culturel ?
Modestement oui et je le constate à chaque fois que je rencontre des mélomanes et que je donne des conférences. Les gens sont avides de connaissances sur nos chanteurs, nos grandes figures artistiques et je vous avoue que c'est pour moi encourageant.
Maintenant, il est clair que ce travail sur notre patrimoine ne peut se limiter à quelques initiatives tout comme il est clair qu'il faut avoir une démarche conséquente, en ce sens qu'il faut veiller que des grandes figures de notre patrimoine soient connues des nouvelles générations.
Il y a des parcours fabuleux à raconter et je suis heureux de constater que le ministère de la Culture prend aujourd'hui sérieusement en charge ce dossier. Les coffrets de noms, grands noms, de la chanson sont aujourd'hui disponibles et c'est un énorme acquis. Il faut juste persévérer et l'on ne fera jamais dans cette quête de notre mémoire.

Les ouvrages d'art sur Guerrouabi et Lamari sont-ils le prélude à d'autres chanteurs ou cinéastes ?
Logiquement oui, vu l'impact de mes deux premiers ouvrages. J'ai beaucoup de projets en chantier et l'intérêt grandissant des lecteurs se constate avec leurs nombreuses suggestions. La difficulté réside maintenant dans l'obligation d'éditer mes prochains ouvrages dans la collection «Le beau livre», ce qui est loin d'être évident en raison du coût.

Quels sont vos prochains projets d'écriture ?
Il y a d'abord un ouvrage que je voudrais consacrer à Sadek Lebdjaoui, grande figure de la musique andalouse, tout comme j'aimerais rendre hommage à Brahim Izri, mort jeune. Ses idées novatrices en matière de composition méritent d'être relevées pour ne parler que de cet aspect de cet artiste.
J'avoue aussi que je suis en train de finaliser un projet qui réunit une dizaine de chanteuses algériennes qui m'ont marqué, un peu dans le genre coup de cœur. Bref, des projets existent sauf, comme je l'ai signalé plus haut, qu'il y a lieu d'intéresser les éditeurs pour l'option «Le beau livre».


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