Le programme des 100 locaux à usage professionnel, par commune, destinés aux jeunes, semble devenir une chimère par la faute d'une gestion locale qui n'a pas su se mettre à la mesure des objectifs de cette initiative du président de la République. C'est du moins le cas dans la wilaya d'Oran où plusieurs sites, pourtant livrés, n'ont pas encore à ce jour connu un début d'activité. Pourtant, ces locaux constituaient un axe du programme de campagne pour le deuxième mandat du président de la République. Et si l'Etat a consenti des fonds pour le financement des projets, leur gestion par les collectivités locales a montré plusieurs tares qui laissent prévoir un échec de l'opération et poussé de nombreux jeunes au découragement. L'écueil qui freine la concrétisation de ce projet est un fatras de problèmes administratifs qui ont brisé l'enthousiasme des jeunes artisans. La situation est identique dans la majorité des 26 communes que compte la wilaya. Un responsable de la chambre d'artisanat explique cette situation par «plusieurs facteurs qui ont présidé à la réalisation de ce projet». De mauvais choix Plus explicite, la même source affirme que «des retards ont été constatés dans le lancement des chantiers de construction, dus en grande partie au choix des assiettes foncières, des entreprises de réalisation et de l'architecture retenue pour la construction des locaux. Certaines communes ont réalisé ces locaux dans des espaces déserts qui ne sont même pas inscrits dans leur plan d'extension urbaine», affirmera notre interlocuteur en citant les cas des communes d'El Kerma, de Hassi Bounif et même de Gdyel. Sur le plan de l'architecture retenue pour la réalisation de ces édifices, plusieurs artisans n'ont pas manqué de relever ce qu'ils ont qualifié d'absurdité, à savoir le choix du modèle de R+1. «Imaginez un artisan en plomberie ou en électricité affecté à un local situé au premier étage. Comment fera-t-il pour stocker sa matière première, son matériel ou ses fournitures ?» Actuellement, plusieurs sites censés être livrés aux artisans sont fermés faute de raccordement au réseau AEP, d'électricité et de gaz ou même d'assainissement. Concernant ce problème, des responsables de la chambre d'artisanat affirment que plusieurs communes sont redevables de plusieurs milliers de dinars à Sonelgaz pour leur consommation électrique. «C'est ce qui explique pourquoi plusieurs sites abritant les 100 locaux commerciaux ne sont pas raccordés au réseau électrique ou de gaz», affirme la même source. Pas de raccordement aux réseaux d'assainissement, électrique, de gaz et d'AEP Dans la commune d'Oran, les locaux réalisés à la cité Boulanger ou des HLM sont toujours fermés. Le site de la cité HLM attribué à de jeunes artisans offre aujourd'hui la particularité d'être un cas à part. Affectés à des jeunes, les locaux non raccordés aux réseaux d'assainissement, électrique, de gaz et d'AEP sont devenus un boulet qui entrave le lancement des activités artisanales qui y sont affectées. Un jeune artisan détenteur d'un document d'affectation n'y est pas allé de main morte pour crier ce qu'il qualifie de non sens : «Imaginez que je suis contraint aujourd'hui à payer le loyer du local alors que je ne m'y suis même pas installé. Je ne pourrais même pas l'ouvrir puisqu'il ne dispose pas du réseau d'assainissement de gaz et d'électricité. De plus, mes tentatives avec sonelgaz ont buté sur un écueil administratif, celui de l'arrêté d'affectation. Le document qui prouve que j'occupe ce local n'a pas de valeur juridique et il ne peut en aucune manière remplacer un arrêté en bonne et due forme.» Le vandalisme prend le dessus A Hassi Bounif, ce sont une vingtaine de locaux réalisés dans ce cadre qui sont livrés à des actes de vandalisme. Le site offre un aspect de désolation qui n'a pas suscité de réaction des élus locaux qui ont laissé faire. A El Karma, au sud-est du chef-lieu de wilaya, une dizaine de locaux livrés depuis près de deux ans sont fermés. Affectés à de jeunes artisans de la commune, ces derniers, dépourvus de toutes commodités et installés loin du tissu urbain (en bordure de la RN4), n'ont pas encore connu un début d'activité. La même situation est vécue par le site de Gdyel qui reste étrangement désert. Une vingtaine de locaux réalisés sur deux niveaux n'ont pas suscité l'engouement des jeunes qui ne se précipitent pas pour y installer leurs activités artisanales. Les jeunes artisans exclus Lors du Salon de l'artisanat organisé en marge de la 16e LNG, plusieurs jeunes que nous avons rencontrés n'ont pas manqué de qualifier de gâchis le programme des 100 locaux par commune. «Nous sommes des artisans et nous ne savons pas qui a bénéficié de cette opération. Nous avons nos cartes d'artisans, nous sommes affiliés à la chambre de la wilaya, mais nous n'avons pas bénéficié de locaux réalisés dans le cadre de cette opération», ont indiqué plusieurs jeunes rencontrés au palais des expositions d'Oran. Un élu de la commune d'Oran sollicité pour apporter plus de précisions sur le sujet ne manquera pas de souligner que plusieurs facteurs ont concouru à l'échec de cette initiative. «Tout a commencé par le choix des sites devant abriter ces locaux. Pour Oran, nous avons retenu plusieurs assiettes inscrites au titre du portefeuille foncier dégagé des poches intra-muros. Mais après consultation, il s'est avéré que plusieurs étaient retenues pour la réalisation d'équipements publics. Les études réalisées dans ce cadre n'ont pas tenu compte de la nature des activités artisanales que les locaux étaient censés abriter. C'est ce qui explique pourquoi certains sites ne sont pas adaptés au profil des activités retenues. Imaginez un électricien auto affecté au 1er étage d'un bâtiment construit en pleine zone urbaine. Les communes n'ont pas géré ce programme comme une priorité. Elles se sont limitées à faire un simple suivi des travaux sans lui accorder l'attention nécessaire», dira-t-il en affirmant qu'il compatit avec les rares bénéficiaires téméraires qui ont bénéficié de ces locaux et qui continuent de s'y accrocher, «car plusieurs ont préféré mettre la clé sous le paillasson au lieu de continuer à puiser dans leurs crédits bancaires pour payer les loyers de locaux qu'ils ne risquent jamais d'utiliser». En attendant, plus de 15 000 PME devaient voir le jour à la faveur de ce programme dans les 1500 communes que compte le pays. Malheureusement, la gestion bureaucratique et irréfléchie de cette initiative a fait que tout est presque tombé à l'eau.