A la tête de la société Humilis Corporate Finance, Lies Kerrar est spécialiste des services de conseil en ingénierie financière et en investissement liés au marché émergent algérien. Lies Kerrar a conduit avec succès durant les 3 dernières années des émissions de valeurs mobilières sur les marchés financiers algériens. Il a travaillé principalement en Amérique du Nord en financement corporatif et en gestion d'actifs. Le Temps d'Algérie : Comment expliquez-vous la hausse de la facture des importations en 2010, qui a atteint 40 milliards de dollars, alors que le gouvernement a pris des mesures en 2009 pour la faire baisser ? L'objectif était de réduire le montant de 5% par an ? Lies Kerrar : Nous n'avons pas assez de données publiées pour pouvoir faire une analyse explicative. Les seuls chiffres d'importation pour 2010 accessibles de façon publique sont ceux publiés dans une dépêche de l'APS. Une analyse explicative nécessite de fouiller les données, d'isoler les effets liés aux fluctuations de devises, ceux liés à la variation des prix de certaines denrées, à tenir compte de la variation des stocks, etc. Nous ne pouvons que faire quelques remarques. D'après les chiffres provisoires du Cnis publiés par l'APS, les importations de marchandises ont augmenté de 920 millions USD. Les augmentations de deux catégories représentent 90% de ce montant : les biens d'équipements industriels et la catégorie «énergie et lubrifiants». Il est probablement utile d'examiner la source de ces montants. Il faut noter que ces chiffres ne comprennent pas les importations de services. Les importations de services étaient de l'ordre de 11 milliards de dollars en 2009, selon les publications de la Banque d'Algérie. Le montant de 2010 aura un impact sur le volume total de nos importations. La variation annuelle peut ne pas indiquer une mesure de l'évolution fondamentale. Il faut tenir compte de la particularité de l'année 2009 et de la situation qui a prévalu lors de la mise en vigueur de l'obligation de paiement par crédit documentaire. Cela a créé un certain décalage des importations, une probable consommation des stocks, et il est possible qu'une certaine reconstitution des stocks se soit réalisée en 2010. Que faudrait-il faire pour réduire la facture des importations ? L'Algérie est-elle en mesure de réduire les importations ? Pour simplifier, soit on consomme moins, soit on met en place les conditions qui permettent de produire plus localement. Le premier levier a ses limites que nous connaissons tous. Le second est un exercice complexe qui demande du temps, un effort continu de réformes et une dynamique incitative encourageant tous les acteurs institutionnels et économiques à œuvrer dans ce sens. Quels sont les risques encourus si la facture est aussi élevée et dans le cas où le prix des cours mondiaux du pétrole baisse ? Nous avons un petit «matelas» de trois ans d'importations pour survivre une petite crise conjoncturelle. Mais trois ans c'est peu pour bâtir une nouvelle économie hors hydrocarbures. Ce qui est important, c'est de faire le travail de fonds pour diversifier notre économie car le modèle basé principalement sur l'exportation des hydrocarbures et la dépense publique (financée par les revenus tirés des hydrocarbures) ne constitue pas une perspective viable à long terme. Propos recueillis