Le politologue Amer Mesbah estime que le discours prononcé vendredi par le Raïs égyptien n'a d'autre signification que celle de préparer une transition dans la douceur, les Américains ne voulant surtout pas répéter l'erreur commise en 1979 avec le Shah d'Iran. Comment interprétez-vous le discours prononcé avant-hier par Moubarak ? La population n'a apprécié ce discours ni dans la forme ni dans le fond, et la preuve c'est l'agitation populaire qui s'est emparée de tout le pays. Je pense qu'il a prononcé ce discours pour se donner un peu de temps pour régler quelques problèmes techniques afin de s'assurer une sortie «honorable». Le retour du chef d'état-major de l'armée égyptienne de Washington ne peut s'interpréter autrement que par la préparation des conditions techniques pour une succession qui soit la plus pacifique possible. C'est, en tout cas, ce que laissent supposer les événements. C'est donc pour cela que le chef d'état-major est revenu ? Oui, c'est pour organiser la sortie de Moubarak, sans poursuites judiciaires ni autre forme de procès. On assiste en plus à un lâchage politique du Raïs dont les soutiens commencent à se déliter. On note la démission du secrétaire général du parti au pouvoir mais aussi les déclarations de membres influents de ce parti qui rendent Moubarak responsable de la situation qui prévaut en Egypte. C'est un indice qui prouve que Moubarak est fini et qu'il ne reste qu'à réunir quelques conditions pour son retrait définitif du pouvoir, mais en douceur. La menace américaine de couper les aides à l'Etat égyptien a-t-elle eu un effet déterminant ? Le problème c'est que les Etats-Unis ne veulent pas la réédition de l'expérience iranienne de 1979. Les Américains ont défendu le Shah, et cette attitude leur a fait tout perdre en Iran. Les USA montrent qu'ils sont proches du peuple égyptien, qu'ils sont avec lui dans ces moments difficiles et qu'ils soutiennent son combat pour la liberté, comme l'a d'ailleurs si bien exprimé le porte-parole de la Maison-Blanche vendredi. Même Obama s'est détaché de Moubarak en déclarant avoir suggéré à son homologue égyptien d'engager des réformes, autrement dit, il lui attribue l'entière responsabilité de ce qui se passe en Egypte. Pour ce qui est de l'aide américaine, il faut savoir qu'elle va en totalité à l'achat d'armement et de moyens de répression, du peuple égyptien cela s'entend. La peur des Américains, c'est que le pouvoir tombe aux mains de groupes comme les Frères musulmans, qui pourraient ne pas s'entendre avec eux. Or, cette organisation ne semble pas être hostile aux Etats-Unis, et ses dirigeants prônent plutôt un discours modéré qui n'est pas contre les intérêts américains. Pour les Américains, la question est de savoir quels rapports entretiendra le nouveau pouvoir égyptien avec Israël. Propos recueillis