Au septième jour de la protestation populaire en Egypte, le pouvoir de Hosni Moubarak campe sur ses positions et ne veut pas lâcher prise face à des manifestants et une classe politique décidés à aller jusqu'au bout d'une révolte sans précédent qui a fait au moins 125 morts et plusieurs milliers de blessés. La fin ? C'est le départ du Raïs et de toute son équipe et l'instauration de la démocratie en passant par une période de transition. Le pouvoir et la rue toujours en ébullition se «disputent» cette transition. Transition de la rue et celle de Moubarak Ainsi, le raïs veut faire croire à un possible passage à d'autres étapes «plus démocratiques» en nommant ses proches aux postes clés du pouvoir et en procédant à la désignation d'une nouvelle équipe gouvernementale. Samedi dernier, Moubarak avait nommé Ahmed Chafik, ministre sortant de l'Aviation civile et ancien commandant de l'armée de l'air au poste de Premier ministre et a, à la grande surprise, pourvu le poste de vice-président, vacant depuis 30 ans, en nommant Omar Souleïmane, chef des services de renseignement. Ce dernier a été remplacé hier par le général Mourad Mowafi, ancien gouverneur du Sinaï-Nord. L'équipe du nouveau gouvernement commençait à prendre forme, lundi, avec l'annonce du général Mahmoud Wagdy au poste de ministre de l'Intérieur, alors que celui des Finances passe des mains de Youssef Boutros-Ghali à Gaoudat el Malt. Mohamed Hussein Tantaoui, ministre de la Défense, sera en outre vice-Premier ministre. Pris de panique par la tournure des évènements, le président égyptien, qui redoute une issue à la Ben Ali, tente le tout pour le tout. En plus des réformes promises dans son premier discours, il est revenu à la charge pour demander, dimanche soir, à son «équipe» de privilégier l'apaisement dans des tentatives de ramener le calme. Ainsi il a instruit Ahmad Chafic de faire du «rétablissement du calme sa priorité». Cette instruction a tout de suite été ressentie dans la rue, envahie juste après par la police dans le but de mettre fin aux scènes de pillages signalées un peu partout dans le pays. «Peine perdue !» diront des observateurs. «Trop tard», crient des milliers de manifestants, rassemblés dans les rues et les placettes des villes, qui ne jurent que par le départ de Moubarak et de son équipe. Les slogans et les mots d'ordre ont été clairs et ne veulent faire aucune concession. Les manifestants toujours plus nombreux Sur la place Tahrir, lieu central de la contestation au Caire, l'ordre du raïs s'est fait également ressentir par les manifestants «interdits» de monter sur les chars sur lesquels ils avaient auparavant même écrit des graffitis hostiles à Moubarak. Ces réformes et mesures devaient être annoncées il y a bien longtemps, avant que ne souffle la tempête de la révolte, expliquent des analystes. Face à l'entêtement du pouvoir à vouloir gagner encore du temps pour avoir la population à l'usure, les manifestants tentent de s'organiser pour trouver une issue à leur avantage en épargnant des vies humaines surtout. Dans un élan de «solidarité conjoncturelle», les manifestants, sans aucune couleur politique affichée, épaulés par des opposants et des personnalités, ont appelé à une grève générale pour hier et une «marche de un million» de personnes pour aujourd'hui au Caire. Des démonstrations de force à même de convaincre les hommes au pouvoir de quitter la scène. En prévision, le trafic ferroviaire est à l'arrêt dans tout le pays. Un large comité politique conduit par El Baradei En attendant, les Frères musulmans, plus discrets que d'habitude, se sont ralliés à l'option, prise déjà dimanche par l'opposition, de former un large comité politique avec l'opposant Mohamed El Baradei, afin de nouer un dialogue avec l'armée égyptienne. El Baradei, sorti de chez lui par les manifestants alors qu'il était assigné à résidence, est allé au-devant des manifestants au Caire en promettant «une ère nouvelle». Il a en outre demandé à la foule «de patienter, le changement arrive». La crise égyptienne est très dure à résoudre, selon des spécialistes des questions du Proche-Orient qui expliquent que la position géopolitique du pays est très importante pour de nombreuses puissances mondiales, à leur tête les Etats-Unis. Ces derniers, après un discours équilibriste entre le peuple et le pouvoir en place, ont radicalisé leur position. Ainsi, par la voix de Hillary Clinton, ils viennent de faire un nouveau pas dans la gestion de la crise égyptienne en indiquant : «Nous souhaitons voir une transition en bon ordre. Nous demandons instamment au gouvernement Moubarak, qui est toujours au pouvoir, de faire ce qui est nécessaire pour faciliter ce genre de transition.» Même son de cloche de l'Union européenne qui a durci le ton en appelant le régime égyptien à «engager immédiatement» un dialogue avec l'opposition pour permettre de vraies réformes et répondre aux attentes de la rue. C'est là un autre message précis pour Moubarak qui n'a été soutenu que par l'Etat sioniste qui, dans un élan de désespoir, a appelé les Américains et les pays européens à soutenir la stabilité du régime égyptien. Face à un mouvement qui s'amplifie, certaines entreprises étrangères ont annoncé la suspension de leurs activités, comme le géant maritime et pétrolier danois A. P. Moeller-Maersk, le cimentier français Lafarge et le constructeur automobile Nissan.