Le régime du raïs Hosni Moubarak est sérieusement menacé par une révolte populaire qui secoue l'Egypte depuis quatre jours. Plusieurs villes du pays ont vécu un vendredi très mouvementé où des milliers d'Egyptiens sont sortis dans les rues pour exiger le départ du président Hosni Moubarak (82 ans) au pouvoir depuis 1981. S'il est difficile de prédire une chute immédiate du clan Moubarak, comme ce fut le cas pour le président tunisien, les Egyptiens ne jurent que par son départ. Le scénario tunisien n'est pas à exclure. Le régime de Moubarak le redoute et le peuple égyptien en rêve. L'évolution spectaculaire des évènements indique une fin tragique d'un régime qui dirige l'Egypte, depuis 30 ans, d'une main de fer. La journée d'hier a été un tournant important dans le face-à-face qui oppose le pouvoir du Caire aux millions d'Egyptiens très en colère. Face à la déferlante populaire et à l'incapacité de la police de contrôler la situation, le président Moubarak, en sa qualité de chef des forces armées, a décrété un couvre-feu dans trois villes (Le Caire, Alexandrie et Suez) et a fait appel à l'armée «pour apporter de l'aide aux forces de police». Des camions et des blindés de l'armée ont investi les principaux boulevards de la capitale et de la ville de Suez, hier soir. Ils ont pris position devant les bâtiments publics. Cependant, le couvre-feu est défié par les manifestants qui se sont attaqués, en début de soirée, au siège central de Parti national démocratique au pouvoir (PND) que dirige Hosni Moubarak. L'imposant bâtiment qui abrite les locaux du PND est dévoré par les flammes. Le feu aurait menacé le musée d'Egypte qui se trouve au centre de la place Tahrir (Libération) non loin du siège de la Ligue arabe, alors que la compagnie aérienne égyptienne EgyptAir a décidé de suspendre tous ses vols pour une durée de douze heures. Ainsi, la contestation est à son paroxysme. Et face à la violente répression des forces de sécurité, les manifestations se sont radicalisées. En début de soirée, les manifestants ont tenté de prendre d'assaut le ministère des Affaires étrangères et le siège de la Télévision égyptienne, alors que les affrontements se sont poursuivis durant toute la journée d'hier, faisant plusieurs blessés et des centaines d'arrestations. Des informations ont fait état de trois personnes assassinées par balle à Alexandrie et une autre au Caire. Le pays du Nil a donc connu un vendredi de colère, où toutes les villes égyptiennes ont été investies par des manifestants dès la fin de la traditionnelle prière du vendredi. Le leader de l'opposition, Mohamed El Baradei, a été assigné à résidence surveillée après avoir participé à la prière dans une mosquée au centre du Caire. Alors que le pouvoir est de plus en plus contesté et le peuple déterminé à faire tomber «le pharaon du Caire», aucune réaction officielle n'a été enregistrée, hormis celle du président de la commission des affaires étrangères du Conseil du peuple (le Parlement), Mustapha El Fakih, qui a demandé de dissoudre le gouvernement «qui est rongé par la corruption et qui est incapable de mettre en œuvre sa politique». Pendant ce temps, les capitales occidentales n'ont pas cessé d'appeler les autorités égyptiennes «au respect de la liberté d'expression et de manifestation du peuple égyptien». La secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton a exprimé, lors d'un point de presse, «la profonde préoccupation» de son pays face à la dégradation de la situation en Egypte, et demande au régime de Moubarak «d'opérer des réformes économiques et sociales immédiatement», tout en assurant le soutien de son pays au pouvoir du Caire. Tandis que les Egyptiens exigent tout simplement «le départ de Hosni Moubarak du pouvoir et l'engagement que son fils ne se présente pas à l'élection présidentielle» prévue pour septembre prochain. La France, quant à elle, appelle à «la retenue et au dialogue», a déclaré la ministre française des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, faisant part de «sa vive préoccupation» face aux récents événements. De son côté, la chancelière allemande Angela Merkel a appelé, depuis Davos (Suisse), le président égyptien Hosni Moubarak à assurer la liberté d'expression et à faire cesser les violences de rue qui ont fait au moins huit morts. Se disant «choquée» par les images provenant des rues égyptiennes, Mme Merkel, dans une courte déclaration à la presse, a déclaré : «Cela ne sert à rien d'enfermer les gens et de limiter les possibilités de l'information, nous devons parvenir à un dialogue pacifique en Egypte.» «La stabilité du pays est naturellement d'une exceptionnelle signification, mais pas au prix de la liberté d'opinion», a-t-elle ajouté. L'Union européenne a demandé aux autorités cairotes de libérer «immédiatement toutes les personnes arrêtées pendant ces évènements». La Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) a joint sa voix pour dénoncer la répression qui s'abat sur le peuple égyptien. Dans une déclaration rendue publique hier, l'organisation a appelé avec force les autorités égyptiennes «à mettre un terme à la répression violente des mouvements pacifiques de protestation sociale et démocratique et à rétablir immédiatement l'accès à internet et aux services de téléphonie mobile». En somme, au moment où les regards du monde entier sont braqués sur le Nil, le président Moubarak se mure dans un silence troublant. Une attitude perçue par de nombreux observateurs comme un «signe de panique qui s'est emparé du régime». Hosni Moubarak est apparu, face à cette révolte, tel un homme malade. Ses jours sont-ils comptés ?