«Il n'y avait pas une autre lecture que celle de la tentative de récupérer notre marche.» C'est en ces termes qu'un membre de la coordination locale des étudiants (CLE) de l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou nous a exprimé hier son mécontentement quant à la manipulation avérée du RCD de l'action d'hier. Lors de la marche organisée hier à l'appel de la CLE pour dénoncer les nombreux problèmes que vit l'Ummto, une marche qui était d'ailleurs une totale réussite pour la cause estudiantine, une guerre de récupération et de manipulation était visible au sein de la foule. Le parti de Saïd Sadi, qui s'est joint depuis la veille de la marche à la cause estudiantine, et ce, par le biais de son bureau régional de Tizi Ouzou, a bien tenté de s'approprier le mouvement. La présence de députés et sénateurs de la formation du docteur Sadi n'est pas fortuite, bien que le sénateur Mohand Ikharbene ait tenté, tant bien que mal, de nier cette politique en déclarant à la presse locale que «l'heure n'est pas à la récupération, mais à l'union des forces», ceci après avoir constaté l'échec des militants RCD en grande mobilisation hier de détourner les objectifs de la marche. Sinon, comment expliquer que des étudiants qui marchent pour le changement de leur situation socioprofessionnelle demandent dans la foulée le départ d'Ould Ali El Hadi, directeur de la culture de Tizi Ouzou ? Dans leur appel diffusé au début de la semaine dernière, les étudiants ont motivé leur action par un ensemble de doléances sociopédagogiques dénonçant les conditions «désastreuses» dans lesquelles se débat l'université algérienne en général, et celle de Tizi Ouzou en particulier. Cependant, «Ould Ali dégage» comme slogan n'a rien à voir avec les revendications des étudiants ! Arezki Aïder, Leila Hadj Arab, Mohand Ikharbene et consorts ont finalement échoué dans leur mission. Une mission qui consistait, selon les échos de la majorité des étudiants, en la «déviation» de la marche à des fins politiciennes en ces moments de tensions qui caractérisent quelques pays arabes en quête de changement de système. Le RCD a été, pour rappel, empêché de marcher à Alger le 22 janvier. Mais ce n'est pas là une raison pour essayer de se servir des étudiants. Cela a été possible grâce à la vigilance de quelques membres du comité qui, à chaque fois que des slogans chers au parti de Saïd Sadi sont scandés, déclenchaient un vent de chahut et de sifflements pour faire barrage à la manipulation. Usant d'un haut-parleur, un membre est même monté au-dessus de la clôture du siège de la wilaya pour demander aux étudiants de lever les banderoles de l'université, tout en leur rappelant que la marche était pour revendiquer une amélioration «sociopédagogique». Par ailleurs, des militants du MAK (Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie) ont été aussi empêchés de lever leur «drapeau» qui signifiait la division avec l'Algérie. La vigilance était de mise. Il faut dire que malgré ces tentatives de perturbation et de récupération, les étudiants marcheurs, qui dépassaient les 4000, ont tenu à exprimer aussi leur ras-le-bol quant à la situation politique en Algérie, par des slogans appelant à l'ouverture politique et médiatique. La marche, au cours de laquelle aucun incident n'est survenu, a été clôturée par la lecture d'une déclaration de la CLE, où elle a insisté sur le fait que cette action était celle des «étudiants, à laquelle s'est jointe la société civile, et non pas celle de partis politiques».