Va-t-on vers le pourrissement en Egypte ? Tout porte à le croire au vu des évènements qui s'accélèrent sur la scène politique et sociale à travers le pays où le fossé entre le pouvoir et les forces d'opposition ne cesse de s'agrandir. Moubarak veut gérer la transition A la grande manifestation qui avait regroupé plus de deux millions de personnes au Caire et plusieurs milliers de personnes à travers le pays, le président Hosni Moubarek s'est adressé le soir même au peuple, non pour annoncer son départ, comme souhaité et exigé par la rue, mais pour dire qu'il ne briguerait pas un septième mandat en septembre. Il a aussi annoncé la révision de la Constitution tout en promettant de travailler dans les derniers mois de son mandat à assurer une transition pacifique du pouvoir. Dès la fin de sa brève allocution, la réponse de la contestation ne s'est pas fait attendre. De la place Ettahrir au centre du Caire, les milliers de manifestants qui ont une nouvelle fois bravé le couvre-feu ont renouvelé leur refus d'abdiquer et de rentrer chez eux. Le président doit partir tout de suite, scandait la foule, alors que certaines personnes expliquaient sur les chaînes de télévision satellitaires que Moubarak doit partir immédiatement. «Il est très têtu, mais nous sommes plus têtus que lui. Nous ne quitterons pas la place», avait déclaré un leader de la contestation dans un haut-parleur. De nombreux manifestants ont à nouveau passé la nuit de mardi à mercredi sur la place et repris dès leur réveil les slogans réclamant le départ immédiat du président. «Allez, Hosni dehors», ont-ils repris de plus belle. La balle est une fois de plus dans son camp, même s'il fait la sourde oreille. Obama conseille la transition immédiate Pas du côté de son allié, le président des Etats-Unis Barak Obama, qui semble le surveiller comme le lait sur le feu. Tout comme lors de la première sortie médiatique de Moubarak, Obama s'est manifesté quelque temps après pour expliquer à son «ami» qu'une transition ordonnée ne pouvait pas être retardée, qu'elle devait débuter maintenant. «Ce qui est clair et ce que j'ai indiqué au président Moubarak, c'est que la transition politique doit être profonde, qu'elle doit être pacifique et qu'elle doit commencer maintenant», a dit Obama. L'hôte de la Maison-Blanche a également noté que Hosni Moubarak avait lui-même reconnu la nécessité de changements et qu'il avait admis l'impossibilité de maintenir un statu quo. En direction des militaires, il a indiqué qu'il faut qu'ils conservent une attitude de neutralité et de poursuivre leurs efforts pour s'assurer que cette période de changement se déroule sans violence. Le même son de cloche a été entamé par les autres pays, notamment l'union européenne qui a demandé au raïs une transition et se dit prête à lui prêter main-forte. Comme dans sa réponde aux manifestants, Moubarak refuse les appels à une transition immédiate du pouvoir, selon son ministère égyptien des Affaires étrangères, après des appels répétés en ce sens au sein de la communauté internationale. Affrontements entre pro et anti-Moubarak Sur le plan interne, la situation a pris une autre tournure qui pourrait conduire le pays directement à une impasse. En effet, de violents accrochages ont éclaté place Ettahrir entre des milliers de partisans de Hosni Moubarak et des manifestants réclamant son départ, sans que l'armée présente sur place n'intervienne, selon des journalistes sur place. Ces derniers font état des partisans du président égyptien qui ont chargé des manifestants anti-Moubarak dans le centre du Caire à cheval et à dos de chameau, avant d'être encerclés et désarçonnés. Au moins six personnes ont été jetées à bas de leur monture, frappées à coups de bâtons et traînées au sol, alors que leur visage était en sang. Certains militaires appellent au calme, debout sur leurs chars, sans s'interposer. Certains observateurs parlent de militaires instruits par le pouvoir de jouer le rôle de manifestants en sa faveur. Cependant, dans le feu des mouvements, la situation évolue très vite. L'armée est intervenue avec des tirs de semonce pour tenter de mettre fin à de violents heurts. Pour sa part, alors que l'opposant Mohamed El Baradei, qui avait rejeté la transition proposée par Moubarak, a accusé le gouvernement de Moubarak de recourir à «la tactique de la peur». «J'ai peur que cela tourne au bain de sang», a-t-il précisé, en qualifiant de «bande de voyous» les manifestants pro-Moubarak. El Baradei a demandé à l'armée d'intervenir, alors que l'ONU estime que les attaques contre des manifestants pacifistes sont «inacceptables». Son secrétaire général, Ban Ki-moon, a appelé à une «transition dans l'ordre et le calme» en Egypte, ajoutant que «les Nations unies sont prêtes à fournir leur aide» au Caire. De leur côté, les Frères musulmans, principale force d'opposition, refusent que le président Hosni Moubarak reste à la tête de l'Etat jusqu'à la fin de son mandat en septembre. Au vu de la situation fébrile, notamment au Caire, où tout peu basculer d'un moment à l'autre, le mouvement de protestation s'est donné rendez-vous vendredi prochain, baptisé «jour du départ» du raïs. «Nous descendons dans les rues aujourd'hui, nous descendrons demain, mais vendredi sera la journée de la mobilisation la plus massive», a indiqué une militante du mouvement d'opposition.