Au bout de 18 jours de révolte, le peuple égyptien a réussi, au prix de plus de 300 morts et des milliers de blessés, à faire tomber le président Hosni Moubarak. L'annonce a été faite par le vice-président Omar Souleimane à la télévision d'Etat. Le raïs a chargé le conseil militaire suprême de prendre en charge les affaires publiques «dans les circonstances difficiles que traverse le pays». Dans les villes du pays, place est laissée aux liesses populaires. Moubarak se serait réfugié à Charm El Cheikh, une station balnéaire du pays. Les évènements se précipitent et s'ébranlent même en Egypte. En moins de 24 heures la scène politique a tenu en haleine pas uniquement le peuple égyptien, mais le monde entier, resté l'oreille collée au Caire. Pour suivre les évènements, brusquement «attisés» par une sortie de l'armée égyptienne qui a annoncé dans un communiqué avoir commencé à prendre les «mesures» nécessaires «pour protéger la nation» et «pour appuyer les demandes légitimes du peuple».
Une ambiance survoltée place Tahrir Cette annonce a été suivie par une ambiance survoltée place Tahrir, lieu de rassemblement des manifestants au Caire. Ils étaient près d'un million, jeudi soir. «L'armée et le peuple sont unis», «A bas Moubarak», scandent les manifestants, tandis que la foule ne cesse d'affluer. Les soldats se trouvant aux entrées de Tahrir n'ont pas bougé, de même que les chars déployés sur plusieurs accès de la place. L'annonce d'une allocution du président Hosni Moubarak au peuple, dans la soirée, allait conforter la thèse du départ. Avant cette intervention, le peuple et notamment les manifestants à la place Tahrir, à Alexandrie et ailleurs dans les villes égyptiennes, ont salué la sortie de l'armée dans laquelle ils ne voyaient que le départ du raïs. Une attente interminable, durant laquelle des rumeurs circulaient et les analyses étaient faites pour tenter de décrypter le message des militaires, dont une première lecture laissait entendre le départ de Moubarak. Le raïs a fait durer le suspense jusqu'au bout Mais avec plus de trois quarts d'heure de retard sur l'heure prévue, le président égyptien est apparu à l'écran de la télévision d'Etat pour dire d'emblée qu'il ne quitterait pas la présidence avant la fin de son mandat. Les manifestants qui ont suivi 12 minutes de ce discours paternaliste de 17 minutes se sont réveillés comme un volcan pour crier leur colère et leur rejet de tout compromis en dehors du départ du raïs et de son clan. Au 17e jour de la révolte, le raïs a fait durer le suspense jusqu'au bout. Le peuple qui réclamait son départ depuis deux semaines et s'apprêtait à vivre un moment historique, a appris qu'il ne quitterait pas le pouvoir. Son discours a provoqué l'ire des manifestants, rassemblés place Tahrir et ailleurs à travers le pays. En réalité, il n'a rien dit de nouveau par rapport à l'attente du peuple. En plus des amendements de la Constitution, il a également et surtout annoncé qu'il déléguait ses pouvoirs au vice-président Omar Souleimane. Une décision et une autre énigme pour l'opposition ainsi que la communauté internationale qui ne semblait pas comprendre non pas la volonté de Moubarak de rester au pouvoir, mais la suite à donner à la situation. Souleimane qui intervenait un peu plus tard n'a pas aussi élucidé les observateurs. Encore plus en colère, les manifestants ont brandi leurs chaussures en guise de refus des déclarations du clan au pouvoir. Ce dernier allait être conforté dans sa position de premier responsable du pays par l'armée qui disait hier matin se porter garante de la Constitution et de l'organisation des élections présidentielles. Au moment où le communiqué des militaires était lu à la télévision d'Etat, un colonel de l'armée égyptienne a lu le même message à voix haute devant le palais présidentiel au Caire, dans lequel le haut commandement soutient les réformes annoncées la veille par Moubarak. «Non, non, ce n'est pas un coup d'Etat» Des manifestants égyptiens ont réagi avec colère à ces déclarations. Rassemblés devant le palais lourdement gardé, dont la plupart espéraient obtenir le ralliement de l'armée, ont laissé éclater leur colère en apprenant la position des militaires, et l'un d'entre eux a arraché le micro des mains de l'officier pour protester. «Vous nous avez déçus, on avait mis tous nos espoirs sur vous», a-t-il crié, tandis que la foule entonnait des slogans réclamant que Moubarak soit jugé. «Non, non, ce n'est pas un coup d'Etat», s'est défendu le colonel en assurant que l'armée ne prendrait pas le pouvoir, mais veillerait à ce que la volonté populaire soit reflétée dans le programme des réformes du régime. Sur la place Tahrir, épicentre de la révolte, des centaines de milliers de manifestants avaient déjà commencé la prière du vendredi lors de la diffusion du message des militaires et n'étaient pas au courant de son contenu. Ils ont toutefois passé la matinée à réclamer le soutien de l'armée à leur cause, et leur déception risquait d'être aussi cuisante que celle de la veille, quand il ont réalisé que le président ne comptait pas démissionner. Le désordre a déjà fait plus de 300 morts et 5000 blessés en Egypte depuis le 25 janvier. L'opposition réclame des réformes d'envergure dans le pays et le départ immédiat du président Moubarak, au pouvoir depuis 30 ans. Les détracteurs du Président estiment qu'il est responsable de la corruption et de l'injustice sociale dans le pays. La révolte s'est accentuée au moment, notamment, où les fortunes du raïs et de sa famille ont été dévoilées par des médias.