Hosni Moubarak a quitté hier au dix-huitième jour d'une contestation populaire sans précédent, Malgré les appels de l'armée aux manifestants de «retourner au travail », ses fonctions de président de la République. Il a remis le pouvoir au conseil suprême des forces armées. Les manifestants qui étaient réunis place Tahrir, devenue depuis le 25 janvier, symbole du mouvement de contestation au Caire, ont explosé de joie à l'annonce de cette démission. « Le peuple a fait tomber le régime ! » ont-ils scandé en délire. Sous le coup de l'émotion, certains se sont évanouis après cette annonce qui est intervenue peu après celle du départ du raïs et de sa famille pour Charm el-Cheikh, dans le Sinaï égyptien, où il dispose d'une résidence, « première étape positive » selon responsable américain. «Compte tenu des conditions difficiles que traverse le pays, le président Mohammed Hosni Moubarak a décidé d'abandonner le poste de président de la République et chargé le conseil suprême des forces armées de gérer les affaires du pays». C'est Omar Souleimane, le vice-président égyptien, qui a fait cette déclaration lors d'une intervention télévisée. Dire que jeudi, Moubarak, avait affirmé en déléguant ses prérogatives au vice-président Souleimane, qu'il restera de droit président jusqu'à la fin de son mandat en septembre, une annonce qui avait provoqué la colère des manifestants qui réclamaient son départ immédiat. La chef de la diplomatie européenne. Catherine Ashton a salué la démission du président égyptien « Il a écouté la voix du peuple égyptien » dit-elle estimant que cette démission ouvrira « la voie à des réformes plus rapides et plus profondes». Hosni Moubarak qui a fait croire un moment qu'il cherchait « une voie de sortie » honorable, a pris jeudi soir tout le monde à contre-pied. Y compris la CIA, la mythique centrale des renseignements américains qui a annoncé son « très probable » départ. Pressé par la majorité des 85 millions d'Egyptiens, y compris par la puissante institution militaire, depuis le 25 janvier, le Rais égyptien a consenti à s'écarter du pouvoir, certes, pas à démissionner. Les raisons de cet entêtement ? Elles sont multiples. Dont celle « susurrée » par les militaires égyptiens : l'impossibilité de la tenue d'un scrutin présidentiel « propre et démocratique » dans les prochains 60 jours et encore moins l'élection d'un président « ni dictateur, ni théocrate » comme le réclament les manifestants. C'est dans cet esprit qu'il faut saisir le deuxième communiqué de l'armée : « toutes vos demandes seront satisfaites» sauf une, la démission de Moubarak. Même si celui-ci a transféré tous ses pouvoirs, ou presque à Omar Souleimane, «de facto le chef de l'Etat» selon Sameh Shoukry, l'ambassadeur égyptien auprès des Nations unies mais dont les manifestants réclament aussi le départ depuis qu'il les appelés à « rentrer chez eux et retourner au travail», car l'Egypte a besoin de leur bras pour «construire, développer et créer ».Mohammed ElBaradei, s'alarme. Selon lui, l'Egypte va « exploser ». Tout en demandant à l'armée d'intervenir « maintenant pour sauver le pays » il dénonce la « tromperie » du président égyptien : la transmission du pouvoir à son « jumeau » Souleimane. L'Armée qui n'est pas intervenue pour disperser les manifestants devant le Palais Présidentiel et le siège de la Radio- Télévision, a joué la carte de la loyauté aux institutions. Après la réunion de son Conseil supérieur sans la présence de son chef suprême, Hosni Moubarak qui lui aurait transmis son autorité et quelques tiraillements , elle annonce qu'elle se porte garante des réformes promises par Moubarak celui là même qui « éprouve de la douleur » quand il entend les critiques de certains de ses compatriote. Dans sa mansuétude, le Rais a a annoncé l'amendement de cinq articles controversés de la Constitution, liés à la présidentielle, promis de sanctionner les nervis qui ont semé le désordre à la place Tahrir. Ironique. L'armée, colonne vertébrale du régime, s'est engagée à garantir « une élection présidentielle libre et transparente à la lumière des amendements constitutionnels décidés », qu'elle mettra fin à l'état d'urgence, en vigueur depuis 1981, « dès la fin des conditions actuelles » et qu'elle veillera « aux revendications légitimes du peuple ». Les leaders de l'opposition réclament comme en Tunisie la dissolution du Parti national démocrate (PND, le parti au pouvoir). Un peu partout dans le monde arabe et musulman, on commence à réaliser que la protesta qui a emporté Ben Ali en Tunisie et Moubarak pourrait mettre fin aux chants des sirènes d'El Qaida en montrant à la jeunesse de cette partie du monde qu'une autre voie que la violence peut faire tomber des régimes.