Le Quai d'Orsay serait-il en train d'être envahi par les eaux de la Seine ? Si les inondations de 1910 ne sont plus qu'un mauvais souvenir, le lieu sacré de la diplomatie française continue de chavirer sous les vents forts de la révolte arabe, soufflant d'Orient. Il y a eu d'abord l'inconvenante proposition de Michèle Alliot-Marie qui, au moment des faits, aurait omis d'ôter son uniforme de premier flic de France. Ainsi, il aurait juste suffi aux régimes du Maghreb d'en faire la demande pour que la patronne du Quai d'Orsay mette à leur disposition des instructeurs, maîtres-experts dans la répression des foules en quête de démocratie. Panique à l'Elysée et à Matignon, MAM a commis une première grande bourde que l'opposition n'était pas prête de passer sous silence de derrière les pupitres du palais Bourbon. Alliot-Marie déclare avoir été mal comprise. Qu'à cela ne tienne, l'étourderie de la débutante a été presque pardonnée. Sauf que la saga ne venait que de commencer. MAM est rattrapée en plein vol par Le Canard enchaîné. Alors que les Tunisiens tombaient comme des mouches sous les balles assassines de Ben Ali, quelques coups de bec sur la carlingue d'un jet privé pour apprendre que Michèle Alliot-Marie, son compagnon, Patrick Ollier, ministre des relations avec le Parlement, et ses parents étaient gracieusement transportés par un richissime homme d'affaires tunisien. Ne sachant plus comment sortir de la zone de turbulences, la chef de la diplomatie française va commettre bévue sur bévue. Si elle s'est retrouvée à bord de ce jet, neuf places, ce n'est que par pur hasard du fait qu'elle aurait rencontré le maître de cérémonie aérienne sur le tarmac. Aziz Miled était-il un proche du clan mafieux de Ben Ali ? Assez rigolé, MAM n'a pas pour habitude de fréquenter des rentiers de cette espèce-là. Mais bon, si ses escapades aux frais de l'ami du roi déchu ont choqué les Français, la mise en cause se résigne à prendre, dorénavant, place à bord d'un pareil jet suspect. Une bonne résolution que Nicolas Sarkozy aurait cautionné à contrecœur, la présidentielle de l'an prochain ne lui permet pas de laisser tomber sa ministre de si haut. Après tout, si elle est au Quai d'Orsay c'est qu'il l'a choisie. Et ce n'est sûrement pas François Fillon qui lui aurait soufflé le nom d'Alliot-Marie du fait qu'il n'en a jamais voulu dans son gouvernement. Résultat des équipées familiales de MAM : 54% des Français, restés sur terre, souhaitent qu'elle démissionne. Leur souhait ne sera pas exaucé. Pour la simple et mauvaise raison que, ces temps-ci, au Quai d'Orsay, une polémique fait oublier une autre. Cinq jours après sa nomination au poste d'ambassadeur à Tunis, Boris Boillon est sommé par 500 manifestants de faire ses valises. L'homme se dit être victime de sa spontanéité, mais c'est de son arrogance dont il s'agit. Des journalistes tunisiens n'ont pas digéré le fait que ce benjamin des ambassadeurs français les prend de très haut, avec un dédain si inhabituel en diplomatie, quand il lui a été demandé de commenter l'attitude de MAM durant la révolution de jasmin. Encore elle ? Parce que la Tunisie n'est plus cet ancien protectorat français auquel Boris Boillon, un jeune loup du sarkozysme, a dû présenter ses plates excuses. On ne se la joue pas bling-bling devant des Tunisiens qui, en plus d'avoir réussi à renverser le dictateur Ben Ali, sont au moindre fait quant à la position de Paris tout au long du soulèvement anti-régime. A croire qu'il est fort possible que le «dégage» du peuple tunisien ne soit pas destiné au seul Boris Boillon mais à l'ensemble du système sarkozyste qui a franchement déçu du côté de Tunis. Pour ses prochaines vacances en famille, MAM optera-t-elle pour un yacht au large du Maroc ?