C'était un peu dans l'air. Le remaniement effectué lundi par le président Sarkozy a consommé le départ de Bernard Kouchner qui, le moins qui puisse être dit, ne laisse pas un souvenir impérissable de son passage au Quai d'Orsay. Exit donc Kouchner! Il n'est certes pas question de tirer sur l'«ambulance» mais certaines choses méritent toutefois d'être dites avant la clôture définitive du dossier «Kouchner». Du moins pour ce qui concerne l'Algérie, à laquelle le ci-devant Kouchner a fait beaucoup de mal. Lorsque le 19 mai 2007, Bernard Kouchner, le «French Doctor» hérita du poste de la diplomatie française, nombre d'observateurs et d'analystes n'ont pas manqué de faire la moue. Marqué comme il était, M.Kouchner n'était pas, à l'évidence, l'homme de la situation, ni le plus indiqué pour prendre en charge un poste aussi symbolique que les Affaires étrangères. De fait, sous sa conduite la voix de la France s'est anémiée, devenant inaudible, la diplomatie française perdant de son aura et de sa présence. Ce que résume subtilement la nouvelle ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, qui souligna d'emblée, en prenant ses fonctions au Quai d'Orsay, «Il est vrai que nous croyons à certains équilibres mondiaux. Nous croyons à un monde multipolaire dans lequel il est important que la France (...) puisse faire entendre sa voix.» Or, sous Bernard Kouchner, cette voix, outre le fait de s'être éteinte, aura surtout défendu de mauvaises causes. En sus du fait d'avoir élargi le fossé entre Paris et Alger, M.Kouchner, lors de son passage au Quai d'Orsay, aura surtout nui à la politique étrangère de la France, confondant sa fonction avec celle qu'il affectionnait dans les organisations non-gouvernementales. C'était étrange qu'un pays comme la France, dont le rôle dans les affaires internationales n'est pas à souligner, ait choisi un étranger à «la maison» pour défendre ses choix diplomatiques et stratégiques dans le monde. Avec Bernard Kouchner aux Affaires étrangères ce sont trois ans et demi qui ont été perdus par la France dont la voix s'est subitement tue, abandonnant des positions qui ont fait sa force sous les précédents gouvernements, notamment par une politique arabe qui faisait que Paris était très écouté au sud de la Méditerranée. De fait, M.Kouchner n'a cessé d'accumuler les bourdes envers l'Algérie allant jusqu'à expliquer que les «tensions» entre la France et l'Algérie «s'apaiseront» après le départ du pouvoir de «la génération de l'indépendance». Dès son arrivée à la tête de la diplomatie française, Bernard Kouchner n'a manqué aucune occasion de provoquer l'Algérie. Sans revenir sur tout ce qu'il a pu dire sur l'Algérie, ses déclarations sur les dirigeants algériens ont été la bourde de trop, qui ne pouvait pas ne pas être relevée. Aussi, le ministre français des Affaires étrangères est-il devenu «persona non grata» à Alger. Ce qui a contraint le président Sarkozy de le décharger du «dossier» Algérie, confié au secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant. C'est dire que pour Bernard Kouchner c'était le début de la fin, ayant fait tout faux dans maints dossiers qui engageaient la France, aussi bien pour l'Algérie - dont il s'employa à envenimer ses relations avec Paris - que pour d'autres dossiers comme l'UPM (Union pour la Méditerranée) les questions sahraouie et palestinienne où la France n'a pas toujours eu la position équitable attendue d'elle. Néophyte et étranger à la politique étrangère, Bernard Kouchner a fait beaucoup de mal à la diplomatie française et commis d'énormes dégâts. Est-il trop tard pour remettre les choses à l'endroit et Nicolas Sarkozy n'a-t-il pas tergiversé à effectuer le lifting qu'il fallait à son gouvernement? Seul l'avenir donnera une réponse à ces questionnements, maintenant que la page Kouchner est tournée. Il faut cependant noter que l'arrivée de Michèle Alliot-Marie au Quai d'Orsay va sans doute donner à la France l'occasion de revenir à l'orthodoxie diplomatique et retrouver une voix et un rôle quelque peu perdus et, surtout, remettre les choses à l'endroit entre Alger et Paris. En effet, Mme Alliot-Marie, survivante de l'époque de Jacques Chirac, qui a une certaine idée de la grandeur de la France, a immédiatement mis les choses au clair, insistant sur le «poids» qui doit être, selon elle, celui de la France. Ce qu'il y a aussi lieu de relever est que Michèle Alliot-Marie est crédible pour les interlocuteurs de la France et aussi très appréciée à Alger où elle fit plusieurs séjours dans ses diverses fonctions. Ce qui n'était pas le cas pour son prédécesseur. Mme Alliot-Marie, successivement ministre de la Défense nationale, de l'Intérieur et de la Justice avant de prendre en main les Affaires étrangères, a une expérience politique qui a cruellement manqué au précédent hôte du Quai d'Orsay. D'aucuns estiment que l'accession de Michèle Alliot-Marie à la tête de la diplomatie française, outre de remettre sur orbite les relations algéro-françaises, signe le retour à la politique gaulliste de la France. Acceptons-en l'augure, d'autant que c'est sous De Gaulle que la politique étrangère de la France a trouvé cohérence et dynamisme, notamment envers le monde arabe, quelque peu perdus sous la gouvernance de l'à-peu-près diplomatique kouchnérien.