Rabah Ouriachi est un juge sensé, il est même cool, attentif, ferme et rigoureux derrière son pupitre. Il avait un jeune inculpé de violation de domicile. Pour atténuer son délit, Tayeb L., 23 ans, se cache derrière... l'amour de la cadette du propriétaire du domicile violé. et là, le président de la section correctionnelle du tribunal de la ville des Roses va droit au but. Il va d'abord inviter l'inculpé à expliquer comment il s'était débrouillé pour se retrouver dans le couloir de l'appartement, à une heure avancée de l'après-midi de ce mois d'hiver. Le pauvre jeune amoureux jure que c'est Délia, 22 ans, qui l'avait invité à passer, car son père s'était déplacé à El Affroun voir son avocate pour une histoire d'héritage non élucidée. Manque de pot, le papa avait reçu un coup de fil de l'avocate pour se décommander. uelle est la malédiction qui a frappé ces deux jeunes qui s'aiment pour avoir été surpris dans le couloir du domicile parental de la fille qui avait préparé un rendez-vous en vue de roucouler en l'absence du papa en voyage, tout à côté (El Affroun) ? Mais celui-ci n'a pas pris le bus, car son avocate l'avait appelé à temps pour renvoyer l'entrevue au cabinet faute de fixation de la date du procès ! C'est ce qu'on appelle un manque de pot pour le rendez-vous de deux amoureux en manque d'affection. Le comble pour Tayeb L., c'est que Délia, la fille, n'a pas pu se déplacer au tribunal témoigner qu'elle avait invité son chéri au domicile. d'ailleurs, même la victime de violation de domicile ne l'avait pas jugé utile, laissant le ministère public se débattre dans les entrailles de l'article 295 du code pénal et ses termes d'emprisonnement de un à cinq ans et d'une amende de cinq mille à vingt mille dinars, pour tout individu qui s'introduit par surprise ou fraude dans le domicile d'autrui. Tayeb jure avoir été «invité» à une franche discussion sur leur avenir. Ce rugueux article de loi est à lui seul éloquent, car le juge ne peut à lui seul se laisser aller vers la brume, l'unique ennemie d'un magistrat dont la vocation est d'appliquer la loi et non la commenter, après l'avoir dépouillée de son essence première, née de la mouture dégagée par le législateur. Et ce n'est pas M. Ouriachi qui va s'amuser à piétiner le code, loin de là. Il est connu, et les magistrats qui l'ont côtoyé estiment que ce président est une valeur sûre. N'est-ce pas Adda ? Car Adda sait ce que peut faire un amoureux, y compris de se rendre au rendez-vous de sa dulcinée qui l'attendait dans le noir n'ayant jamais pu mesurer la gravité de l'intrusion, et surtout à ce que le papa revienne au domicile récupérer des documents. Mais ce qui a permis au juge d'aller vers une peine légère, c'est peut-être, nous écrivons bien peut-être, cette histoire de raclée reçue dans le domicile violé, en attendant l'arrivée des policiers qui ont vite fait de se déplacer dès l'alerte donnée par le chef de famille qui avait évité le déplacement à la barre, craignant probablement une petite vendetta de la famille de ce Tayeb L., car les parents de l'inculpé n'ont pas avalé l'état dans lequel ils l'avaient trouvé au petit matin. - «Non, inculpé, c'est un autre dossier, puisque vous vous étiez plaint pour coups et blessures volontaires. Revenons à votre violation de domicile cette nuit où vous aviez répondu à l'appel de la jeune fille selon votre version, car la fille a catégoriquement nié les faits.» - «Je n'ai plus rien à déclarer, je suis à bout de forces, j'ai une folle envie de m'allonger et de dormir», conclut à sa façon le détenu qui n'entendra même pas les réquisitions, mais par contre entendra la date de la mise en examen de cette affaire où le viol, la violation et les violences s'étaient donné rendez-vous.