Le mouvement de protestation dans le secteur de la santé s'amplifie. Plus de 2000 travailleurs, selon des estimations, représentant l'ensemble des corporations médicales se sont rassemblés et ont marché hier dans l'enceinte du CHU Mustapha Pacha, en réponse à l'appel de cinq syndicats représentatifs du secteur (SNPSP, SNPSSP, SNMASM, SNDPSM, SAP) et du Conseil de l'ordre des médecins. La «vraie» intersyndicale est née. D'autres actions sont attendues. Si l'objectif initial de cette première action «unificatrice» avait pour but de «dénoncer encore une fois l'opacité caractérisant la démarche du ministère de la Santé concernant la concertation initiée autour du projet de la nouvelle loi sanitaire (…), qui n'obéit pas aux règles universellement admises en la matière», le rassemblement d'hier a remis au goût du jour les revendications socioprofessionnelles pour lesquelles se battent depuis des lustres ces syndicats. Une foultitude de travailleurs de la santé, tous corps confondus (plus de 2000, selon les estimations), se sont rassemblés à l'intérieur du CHU Mustapha Pacha, avant d'enclencher une marche à travers les allées de l'hôpital, très bien encadrée du reste par un service d'organisation irréprochable. En première ligne, les chefs de file des syndicats. Les services de sécurité étaient aussi déployés en nombre, à l'intérieur comme à l'extérieur du CHU. Aucun dérapage n'est à signaler. Le portail principal a été fermé et très bien surveillé par un impressionnant dispositif de sécurité pour éviter que la protestation ne soit portée dans la rue. «Tous unis pour sauver la santé», pouvait-on lire sur une des nombreuses banderoles brandies par les protestataires qui annoncent d'emblée la couleur : «Ould Abbas dégage.» Et à d'autres, adhérents au SAP (paramédicaux), plus nombreux, décidés eux à poursuivre leur mouvement de grève, d'entonner : «4 ans barakat», ou encore : «Nous n'avons pas peur, nous poursuivrons notre mouvement.» Ils menacent même d'une «démission collective» et promettent de réitérer l'action devant le ministère de la Santé. A l'unisson et pendant toute la durée de la protestation, les manifestants n'ont cessé de décrier l'attitude d'Ould Abbas, «ministre de la promesse», comme le définit une des pancartes. Les professionnels de la santé exigent notamment «la sauvegarde de la santé et des libertés syndicales», scandant : «Basta à la clochardisation d'une profession noble» ou encore «One two, three, où va la santé ?». Un invité «surprise», le collectif autonome des médecins résidents, qui a tenu à apporter son soutien à l'action de l'intersyndicale qui a pris définitivement forme et scander aussi ses revendications. Les membres de ce collectif exigent notamment la prise en charge de leur formation pratique (un taux d'échec de 80% en chirurgie maxillo-faciale), un salaire décent et une prime de recherche conséquente. «La prime de recherche n'a pas augmenté pour nous depuis 20 ans, elle est seulement de 4200 dinars», explique un des résidents, qui dénonce aussi les conditions déplorables dans lesquelles ils exercent leur métier. «Ould Abbas doit sortir de sa coquille» La chose la plus satisfaisante, selon les organisateurs, satisfaits de la mobilisation sans précédent des professionnels de la santé, c'est l'enclenchement d'une dynamique face à la fuite en avant du ministère. «On est fier de le dire, aujourd'hui, nous sommes tous réunis autour du même mot d'ordre», s'est réjouit Lyes Merabet, du SNPSP, qui dénonce «le favoritisme de la tutelle qui a reçu les représentants de l'UGTA». «Le ministre doit sortir de sa coquille et voir la réalité en face», a-t-il ajouté. Pour M. Djidjeli, représentant du SNPDSM, «l'intersyndicale de la santé est désormais née». L'action d'hier constitue pour lui le début du processus de protestation. La même satisfaction est affichée par le docteur Mohamed Yousfi, représentant les praticiens spécialistes. «On a dit clairement qu'il faudrait qu'on donne au partenaire social sa véritable place et qu'on se concerte avec lui pour arriver à un projet de loi où tout le monde se retrouvera et qui peut être appliqué sur le terrain», a-t-il dit. «Nous allons évaluer le rassemblement d'aujourd'hui, tout en attendant la réponse du ministère à l'appel qu'on lui a lancé. Nous allons agir en conséquence», a-t-il ajouté, révélant que le conseil national du SNPSSP se tient aujourd'hui et demain, «qui va évaluer toute la situation de la santé et celle aussi qui prévaut dans le pays actuellement». Le SAP a annoncé, quant à lui, la poursuite de son mouvement de grève et de la série de sit-in. Rendez-vous est donné aux paramédicaux aujourd'hui à l'hôpital Zemirli et demain à l'hôpital Nefissa Hamoud (ex-Parnet). L'on apprend que les organisateurs du rassemblement, réunis juste après, ont décidé de se revoir «dans les prochaines 48 heures», nous confiera Lyes Merabet, pour décider de la suite à donner au mouvement. «Ce qui est maintenant sûr, c'est que la concertation est acquise et consacrée à 100%», conclura-t-il. Prélude à d'autres actions ? Tous les organisateurs le disent. Un front uni est constitué contre le ministre.