Ils étaient moins d'une dizaine hier à El Madania à avoir répondu à l'appel de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie aile partisane, pour une marche vers le siège de l'ENTV, avons-nous constaté sur place. Les quelques manifestants étaient encadrés et protégés par des policiers à la place du 1er juillet. Des dizaines d'opposants à la marche scandaient, en face, des slogans hostiles au président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Saïd Sadi. Ce dernier, arrivé à 10h35, à El Madania, a été empêché par des centaines de personnes de se rendre à la place avant d'être évacué grâce à une intervention de la police, à bord d'une voiture démarrant en trombe après que certains parmi les opposants à la marche aient tenté de s'en prendre à lui. En somme, la mission des policiers s'est transformée hier en la protection des quelques partisans de la CNCD et de Saïd Sadi, tandis que les habitants d'El Madania se chargeaient d'interdire la marche. Si la mission des policiers était difficile, celle que les habitants d'El Madania s'étaient confiés, était plutôt facile, et pour cause ! Le nombre des partisans de la CNCD n'atteignait pas la dizaine. «Bouteflika machi Moubarak» (Bouteflika n'est pas Moubarak) scandaient des dizaines d'opposants à la marche, face aux policiers qui encadraient et protégeaient les quelques manifestants. «Bouteflika», et «One, two, three, viva l'Algérie», scandaient encore les opposants à la marche dont le nombre augmentait au fur et à mesure. «Pas de marche», criait un des habitants, demandant à des policiers d'empêcher les quelques manifestants de marcher. Il était 9h30. «Nos enfants sont morts, que voulez-vous encore ?», crie un autre habitant. Un autre groupe de jeunes arrive, portant l'emblème national. «Salembier chouhada» (Salembier martyrs) scandaient-ils. Les policiers renforcent le cercle établi autour des quelques manifestants pour les protéger contre les opposants à la marche devenus de plus en plus nombreux. La plupart des commerces sont restés ouverts. L'espace réservé à la station taxis est occupé par les policiers protégeant les manifestants. Il était 9h45 quand un des opposants à la marche demande aux dizaines de personnes présentes sur les lieux de se retirer. «Il faut nous retirer, vous voyez ils sont quelques-uns seulement à être venus pour faire la marche, si on reste ici ils vont croire qu'ils sont nombreux en nous comptabilisant avec eux», crient-ils. «RCD dégage», lance un des habitants d'El Madania. Certains parmi les opposants à la marche ont malheureusement tenté de forcer le cordon sécuritaire établi par les policiers autour des partisans de la CNCD. D'autres, de différents âges, plus nombreux, ont fait preuve de sagesse en lançant «Non, pas de violence, nous ne voulons pas de violence, tout ce que nous demandons c'est qu'on laisse notre pays tranquille, et c'est pour cette raison que nous nous opposons à cette marche, mais pacifiquement», crient-ils. «Ils viennent de Diar Echems» Des dizaines d'autres opposants à la marche arrivaient, s'ajoutant aux autres se trouvant déjà sur les lieux, scandant des slogans hostiles au RCD. Le nombre des opposants à la marche atteignait, maintenant, quelques centaines. «Ils viennent de Diar Echems», diront des habitants d'El Madania. Il était 10h35 quand le président du RCD était arrivé à bord d'une voiture banalisée, «probablement pour ne pas attirer l'attention». Son arrivée coïncidait presque avec celle de dizaines d'autres opposants à la marche. La voiture était à quelques dizaines de mètres de la place du 1er Juillet quand elle s'immobilisa. Les opposants à la marche interdisent à Saïd Sadi de faire un pas de plus. Dès que le leader du RCD est sorti de voiture, des dizaines de jeunes se sont rués vers lui. Les policiers courent de partout. Mission : empêcher les jeunes de s'en prendre au leader du RCD. Ce dernier a été évacué à bord d'une voiture Logan de couleur blanche, démarrant en trombe, suivie par un véhicule de sa garde rapprochée. Les opposants à la marche courent quelques dizaines de mètres derrière la voiture transportant le président du RCD. Des informations non confirmées circulent selon lesquelles la voiture évacuant le leader du RCD aurait percuté, accidentellement, un jeune piéton dans sa course folle. Avant le démarrage en trombe, Saïd Sadi a eu juste le temps de déclarer que «nous marcherons jusqu'à la chute du régime, ce régime corrompu doit partir». «Nous ne voulons pas qu'ils fassent comme la Libye et l'Egypte» «Saïd Sadi parle de démocratie et d'alternance au pouvoir, tandis qu'il est presque depuis 20 ans à la tête du RCD, et ne veut pas démissionner de son poste de député», lance un jeune. «Mettez ça, c'est important, il y a quelque chose de grave. Ce qu'on demande au Président c'est qu'il reste mais qu'il change son entourage, il y a un clivage dangereux, nous ne voulons pas qu'ils fassent comme la Libye et l'Egypte, je suis pour le changement mais pas comme ça, je ne suis ni du RCD ni d'aucun parti politique», nous dira un habitant d'El Madania, 52 ans, père de deux enfants. «Nous sommes pour une transition qui doit se dérouler doucement, nous ne sommes pas contre la marche, mais il y a des gens qui envoient d'autres pour faire dans le racisme, ce sont les prémices de la division, que le président de la République termine son mandat et organise des élections libres», ajoute-t-il. «Je suis Kabyle et je suis contre le racisme», lance-t-il. Beaucoup ont tenu hier à rendre hommage aux policiers déployés sur place, qui «ont fait preuve de courtoisie» et «empêché le pire en protégeant les manifestants et sauvant le président du RCD».