Ils étaient beaucoup moins nombreux que lors des deux premières tentatives, comme l'a reconnu Me Ali Yahia Abdennour, président d'honneur de la ligue algérienne des droits de l'homme, membre de la coordination pour le changement et la démocratie aile partisane, et un des initiateurs de la manifestation. Il a expliqué la faible participation par “le prix payé par l'Algérie au cours du colonialisme, du terrorisme et des événements de Kabylie.” Devant un impressionnant dispositif de sécurité déployé au niveau de la place des martyrs d'où devait partir la marche à laquelle a appelé une aile de la CNCD, dont le rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) de Said Sadi, les manifestants ne se bousculaient pas, comparativement avec les deux premières tentatives de marche. En plus du peu de monde qu'a mobilisé cet appel, la tentative de marche s'est aussi caractérisée par le changement d'itinéraire. Au lieu du parcours habituel, de la place du 1er mai vers la place des martyrs, celle d'hier devait se dérouler sur le sens contraire, soit place des martyrs-place du 1er mai. Les initiateurs de ces tentatives voulaient probablement éviter des «affrontements» avec des habitants du 1er mai qui avaient exprimé leur désapprobation quant à l'organisation de marche dans leur quartier. Néanmoins, ce changement n'a rien apporté de nouveau et les personnes qui ont répondu à l'appel ont failli être prises à partie par des groupes qui ont exprimé leur désapprobation quant à la marche d'hier sans l'intervention des forces de l'ordre mobilisées sur les lieux. Said Sadi sur un véhicule de la police Présent hier à la tentative de marche, le président du RCD, Said Sadi, est monté sur le toit d'une voiture de police pour, probablement, prononcer un discours. Des policiers l'ont vite délogé. Le geste du leader du RCD n'a pas plu aux opposants à la marche qui ont commencé à scander des slogans hostiles à Sadi. Les policiers, devant l'ampleur de la contestation, ont difficilement établi un cordon de sécurité autour du président du RCD pour lui permettre de quitter les lieux sans être agressé. Le président du RCD a été accompagné jusqu'aux escaliers se trouvant près de la pêcherie où il est resté quelque temps, attendant que les choses se calment. Il a été hué lors de son «évacuation» par les opposants à la marche. Il était 10 h 30. Le député RCD Mohamed Khendak évacué Presque au même moment, on signale dans la cohue l'évacuation d'une personne à bord d'une ambulance de la protection civile vers l'hôpital. Photographes et caméramen tentent de prendre des photos de la personne évacuée. Mission difficile devant la bousculade. On annonce que la personne évacuée est Mohamed Khendak, député RCD de Tipasa, qui aurait été «blessé au cours des bousculades» pour les uns et «victime d'un malaise» pour d'autres. Les manifestants scandaient «Algérie libre démocratique». Les policiers ont pu, mais après des efforts, séparer les manifestants et les opposants à la marche. Chaque partie occupait des espaces, les uns face aux autres. Au milieu, la circulation automobile ne s'est pas arrêtée. Des policiers se chargeaient de la réguler. C'était au boulevard Che Guevara. Les manifestants et opposants à la marche sont entrés dans une «guerre» de slogans : «Algérie libre et démocratique», scandaient les manifestants, alors que les opposants à la marche scandaient des slogans en faveur du président Bouteflika. «Bouteflika n'est pas Moubarak», scandaient-ils. Les manifestants tentaient de convaincre les opposants à la marche que «la cause est nationale». «Jeunes de la capitale, c'est une cause nationale», scandaient-ils. Les opposants à la marche n'étaient pas convaincus et ripostaient par des slogans hostiles à Sadi et à la marche. «La harga et pas la hogra» Sur l'une des pancartes portées par les manifestants, on peut lire «la harga et pas la hogra». un des manifestants cria «155 milliards», allusion faite aux réserves de change du pays. Des slogans continuaient à fuser des deux parties. Les choses auraient dégénéré sans l'intervention efficace des policiers mobilisés sur les lieux. Parmi les manifestants, Omar Abed, président du collectif des clients de Khalifa Bank venu exposer le problème de ceux qui ont perdu leur argent. Des comités de quartier contre la marche Les opposants à la marche portaient également des pancartes et une banderole sur laquelle est écrit : «Fédération des comités de quartiers (wilaya d'Alger), vous avez réparé ce qui a été brisé, merci président Bouteflika.» D'autres portaient des portraits du président Bouteflika. Pas seulement des piétons, puisque un automobiliste passe, portant le portrait de chef de l'Etat, qu'il a fait sortir de la vitre, criant «Vive Bouteflika». 11 h10, les manifestants sont dispersés par la police. Sadi se trouvait toujours bloqué non loin de la pêcherie. Les policiers craignaient d'éventuelles agressions, surtout que certains parmi les opposants à la marche scandaient des slogans violents contre le président du RCD. Ce dernier a déclaré : «Je pense que la corruption est plus importante en Algérie qu'en Tunisie ou en Libye». Ali Yahia Abdennour reconnaît la faible mobilisation Ali Yahia Abdennour, interrogé sur la faible mobilisation pour la tentative de marche, a déclaré : «On n'est pas comme les autres, la Tunisie et l'Egypte, parce que nous avons payé le prix plus que les autres, 1,5 million de martyrs, 200 000 morts à cause du terrorisme et 126 morts en Kabylie». «Ce que nous voulons, c'est les libertés et le changement du régime», a-t-il ajouté, lançant que «nous demandons que le régime parte», annonçant qu'«il n' y a aucune négociation avec le pouvoir». Aux environs de 12 h 20 , un groupe de manifestants qui a tenté de reprendre la marche après avoir été dispersé quelques minutes auparavant, toujours au boulevard Che Guévara, est vite dispersé par la police. La marche n'a pas eu lieu, comme lors des deux derniers samedis.