Initiée par la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), la marche prévue hier de la place du 1er Mai vers la place des Martyrs n'a pas eu lieu. Ils étaient quelques centaines à avoir répondu à l'appel, environ un millier si l'on tient compte des curieux qui se sont rassemblés sur les lieux où un impressionnant dispositif de sécurité a été mis en place dès la matinée d'hier pour parer à tout dérapage. En face, des manifestants contre la marche exprimaient leur désapprobation quant à l'initiative de la CNCD. Les policiers ont dû séparer les deux parties pour éviter l'affrontement. Tôt le matin, le dispositif mis en place par la police était visible dans plusieurs endroits de la capitale. A la place du 1er Mai comme ailleurs, les policiers étaient vigilants. Les sacs des personnes étaient fouillés. La crainte d'éventuelles tentatives d'attentats terroristes expliquait cette mesure, le GSPC ayant rendu public un communiqué dans lequel il a appelé à la participation à la marche. Des slogans commençaient à être scandés par des manifestants arrivés à la station de bus de la place du 1er Mai. «Le peuple veut le changement du régime», est l'un des slogans scandés, comme en Tunisie et en Egypte. Des pancartes étaient portées par des manifestants où on pouvait lire «Non à l'injustice» et «Non à la pauvreté, non à la répression, non à la dilapidation». Les slogans hostiles au pouvoir continuaient à être scandés et les policiers empêchaient les manifestants de marcher. Le ton montait d'un cran par moments. De nombreux manifestants ont été interpellés par les policiers, puis relâchés. Parmi eux, Me Ali Yahia Abdennour qui dira après sa libération : «J'ai été arrêté et blessé à la main.» «Bouteflika n'est pas Moubarak» D'autres personnes sont venues exprimer leur désapprobation quant à l'initiative de la CNCD. «Bouteflika n'est pas Moubarak» et «vive Bouteflika», scandaient-elles. Les policiers déployés sur les lieux ont séparé les deux parties afin d'éviter tout affrontement. «Je suis député», criait Derguini, député RCD interpellé par des policiers Rencontré sur les lieux, le député RCD Tahar Besbes nous dira : «Le pouvoir a été fidèle à ses engagements. Ce pouvoir issu de putschs successifs ne peut gérer que par la répression. Il y a un changement au Maghreb arabe, au Moyen-Orient, l'Algérie ne peut faire exception. Il faut un changement du système et non dans le système», selon le député RCD, selon lequel «le pouvoir n'a pas de perspectives, la preuve, il répond à une marche pacifique par la répression». «Il y a une clochardisation dans la gestion du pays et ça ne peut plus durer», selon lui. «Vous voulez mener le pays au chaos» Partisans et opposants de la marche continuaient à scander des slogans, les uns hostiles au pouvoir, les autres dénonçant l'initiative de la CNCD. «Vous voulez mener le pays au chaos. Le peuple est conscient et refuse d'être manipulé. La preuve vous n'êtes pas nombreux à cette marche», a lancé un jeune aux manifestants. Les policiers sont intervenus pour séparer les deux parties. «Il y a une quinzaine de jours, ils sont venus ici, ont arraché un pylône après, certains d'entre eux sont repartis, en costume, vers un pays étranger, tandis que moi je n'ai même pas pu retirer un peu d'argent du distributeur», dénonce un autre jeune qui insinue que «les auteurs de l'appel à cette marche ont un pied à l'étranger et ne se soucient guère des préoccupations des citoyens qui sont seuls à payer quand il y a destruction de biens publics». Saïd Sadi pris à partie par un jeune Saïd Sadi prend la parole, place du 1er Mai, debout sur un banc, entouré de ses gardes. «Ce dispositif est une réaction de panique», dira-t-il, et d'ajouter : «Nous resterons ici jusqu'à ce qu'ils nous ramènent Bouteflika.» Peu de temps auparavant, Saïd Sadi a déclaré que «le système doit partir, c'est un système corrompu, mafieux et assassin». Le numéro un du RCD a voulu transformer la place du 1er Mai en place Tahrir en invitant les manifestants à ne pas quitter les lieux. Saïd Sadi est pris à partie par un jeune qui lui lance : «Vous vous autorisez ce que vous avez interdit à d'autres quand vous avez refusé au FIS de marcher.» Le premier responsable du RCD ne répondra pas. Saïd Sadi quitte les lieux, protégé par ses gardes du corps qui ont dressé un cordon de sécurité, entouré de policiers. «Pas grave, nous sommes là pour vous sécuriser», lance un policier à l'un des gardes du premier responsable du RCD. Le policier ne parlait pas uniquement de Saïd Sadi mais également de toutes les personnes présentes sur les lieux. Peu de temps après, le premier responsable du RCD avait quitté les lieux. «Il a probablement quitté les lieux pour aller faire des déclarations à des chaînes de télévision, laissant les manifestants ici», dira une personne. Ali Yahia Abdennour annonce une réunion de la CNCD aujourd'hui Ali Yahia Abdennour a informé les journalistes que «la CNCD se réunira demain (aujourd'hui, ndlr) pour décider des suites à donner à la manifestation». Ali Benhadj était présent sur les lieux, tentant de marcher avec d'autres personnes, avant d'être stoppé par les policiers au niveau de la rue Mohamed Belouizdad où d'autres manifestants étaient stoppés, interdits de marcher. Les partisans de la marche s'étaient scindés en trois groupes, tentant de déjouer le dispositif mis en place par la police, en vain. A 12h30, Me Bouchachi, de la ligue des droits de l'homme, annonce que la manifestation prend fin. Il restait aux policiers d'assurer le départ des manifestants et opposants à la marche dans le calme. De grands efforts ont été consentis dans ce sens. La place du 1er Mai ne s'est pas transformée en place Tahrir comme le souhaitait Saïd Sadi.