Les étudiants ont brandi leur carte d'étudiants et crié des slogans tels que «Dégage Harraoubia», «Nous sommes les cadres de demain».Une marche grandiose des étudiants a eu lieu hier à Alger à l'appel de la Coordination nationale des étudiants autonomes (CNEA). Ils étaient environ 80 000 selon les organisateurs, et 30 000 selon des policiers, à avoir répondu à l'appel et à venir de plusieurs régions du pays, est, ouest et centre. La marche a commencé à 10h de la rue Larbi Ben Mhidi à Alger-centre vers la présidence de la République à El Mouradia en passant par la place Maurice Audin, le Bd Krim Belkacem et le Bd Souidani Boudjemaâ, pour se retrouver enfin à quelques mètres de la Présidence. Les étudiants ont dû forcer le dispositif sécuritaire impressionnant qu'ils ont rencontré tout au long de cet itinéraire. Des renforts de policiers ont été dépêchés mais sans grand succès vu le nombre croissant tout au long de la marche des étudiants. A la place Maurice Audin, des étudiants qui étaient à l'intérieur des bus de transport universitaire ont ouvert les portes et rejoint leurs camarades. Les étudiants ont brandi leur carte d'étudiants et crié des slogans tels que «Dégage Harraoubia», «Nous sommes les cadres de demain», «Ouvrez l'université et vous serez étonnés» ou encore «One two three viva l'université». Les membres de la CNEA ont mis en place une commission chargée de l'organisation de la marche, chose qui a été confirmée sur le terrain, car un jeune «voyou» qui a voulu intégrer la marche et qui a tenté de casser un magasin a été repéré par un groupe d'étudiant et mis hors de la marche. «La marche se déroulera dans de très bonnes conditions, pourvu que la police nous aide, mais malheureusement les policiers continuent dans l'excès de zèle et utilisent contre nous la matraque, jusqu'à quand ?», a clamé un membre de la CNEA. Au niveau du rond-point d'Addis-Abeba, un autre dispositif policier a été mis en place mais les étudiants ont encore une fois réussi à le contourner. A l'arrivée des étudiants devant le lycée Bouamama (ex-Descartes) les policiers pris de panique ont commencé à frapper fort, des coups de matraques tombaient sur les étudiants dont des dizaines ont été blessés, des journalistes et même des passants n'ont pas échappé aux coups des policiers. De hauts cadres de la police ont été dépêchés sur les lieux afin d'orienter leurs subalternes déjà sur place. Des mesures draconiennes ont été alors prises afin d'arrêter l'avancée des étudiants. Des camions et des fourgons ont été disposés au milieu de la route. Plusieurs essais de la part des étudiants pour franchir le barrage policier ont été tentés sans succès. Notons que les médecins résidents étaient déjà sur les lieux ainsi que les enseignants du sud du pays venus, eux aussi, réclamer leurs droits. La police a fait de nombreux blessés selon les éléments de la Protection civile dont le bilan provisoire fait état de «33 blessés entre légers et graves, la plupart des étudiants ont reçu des coups de matraque dans le dos, sur les mains et les pieds mais les coups les plus graves sont ceux portés à la tête. Nous ne pouvons arrêter le bilan final mais selon nos estimations le nombre dépassera les 50», a avoué un lieutenant médecin, avant d'ajouter : «Nous avons reçu aussi trois journalistes, dont une femme photographe, mais pour des blessures légères.» «Nous avons réussi notre marche malgré la répression» Kamel, l'un des initiateurs de la marche «historique» de ce 12 avril, joint par téléphone, dresse déjà le bilan de leur action : «Nous sommes très fiers et contents de notre exploit. Nous avons brisé le mur du silence et réussi à braver l'interdit. Cela nous suffit pour le moment en attendant d'autres actions prochainement.» Avant d'ajouter : «N'importe quel ministre de l'Enseignement supérieur dans le monde aurait déposé sa démission après une telle action. Mais chez nous, nous sommes convaincus que Harraoubia restera encore, car les échecs pour lui sont devenus un mode de gestion.» S'agissant d'une éventuelle récupération de leur mouvement par des partis politiques ou d'autres, Kamel est catégorique : «Nous sommes des étudiants, vous comprenez ce que c'est des étudiants ? Pour ceux qui veulent faire de la politique dans un parti, le champ est libre mais pas au sein de la coordination. Nous sommes très conscients de ces manœuvres malintentionnées. On est plus intelligents que ces gens qui veulent nous coller des étiquettes politiciennes.» Concernant la suite à donner à leur mouvement, le membre de la coordination explique que «pour le moment l'heure est à la joie et à la jubilation. Nous allons savourer notre victoire et dresser un bilan ensuite nous penserons à la suite». Le jeune étudiant a tenu à lancer un ultime appel à la police nationale. «Nous disons aux policiers que nous sommes des étudiants et que la matraque doit être utilisée contre des voyous. On aurait aimé voir des policiers nous encadrer et nous aider dans notre démarche qui est purement pédagogique et pacifique.» Les étudiants sont rentrés chez eux dans le calme malgré les coups de matraque, mais pour eux une chose est acquise : «Nous avons donné une leçon d'organisation et de civisme aux autorités.»