«Slimane Azem, mort et enterré en exil, est une victime innocente de l'ingratitude et de la méchanceté gratuite», a tenu à témoigner hier le comédien, auteur et réalisateur, Mohamed Hilmi, lors des journées évocation de la légende de l'exil abritées par la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou et organisées par la société EMEV, en collaboration avec la direction de la culture, sous le patronage de la ministre de la culture et l'égide du wali de Tizi Ouzou. Pour Mohamed Hilmi, l'accusation de collaboration avec l'ennemi (harki) collée à Slimane Azem est l'œuvre de «mystérieux lâches», dès lors qu'aucune autorité n'a daigné assumer cette grave et non moins infondée accusation qui a privé le chanteur du retour à son cher pays. «Slimane a ressenti une douleur profonde, mais sans rancune ni colère contre ceux qui l'ont banni», a-t-il révélé, tout en rappelant que le personnage avec lequel il avait travaillé a composé et chanté en 1956 deux chansons qui sont des chef-d'œuvre de nationalisme, à savoir «Affegh Ayyedjradh Tamourthiw» (ô ! Criquets, quittez mon pays) et «Edhahradh waggur» (la lune est apparue). Ces deux chansons nationalistes ont valu à Slimane Azem, selon le comédien, de sérieux démêlés avec la police française qui l'avait assigné à résidence surveillée. Même les responsables de la radio ayant diffusé ces deux «hymnes» nationalistes ont subi les foudres des autorités coloniales puisque le responsable du service kabyle de cette radio a été écarté. M. Hilmi qui a fréquenté tous les maestros de la chanson algérienne a qualifié Slimane Azem de chanteur prodigieux qui a su transmettre la douleur, la nostalgie et le chagrin vécus par ses compatriotes de l'émigration par des chansons instructives de par la philosophie qu'elles véhiculent toujours. «Slimane Azem, fruit de l'émigration, est un génie qui a révolutionné la chanson algérienne. Il était même une étoile providentielle», dira encore M. Hilmi, avant de mettre en exergue l'amitié qui liait Azem au grand compositeur Mohamed El Kamal qui l'avait encouragé à composer lui-même ses chansons. Le frère de Mohamed Hilmi, Saïd, lui aussi grand comédien, s'était contenté de dire que «Slimane Azem est un océan de savoir et de sagesse». Karim Branis, un des fondateurs du mythique groupe de rock, Les Abranis, a relevé pour sa part le «caractère extraordinaire du chanteur Azem qui souffrait de l'incompréhension des autres». L'auteur de la chanson immortelle qui constitue un véritable hymne à l'amour de la patrie, «Algérie mon beau pays, loin de toi je vieillis» n'a pas pu hélas revoir ce beau pays à cause justement de cette «accusation mystérieuse». Il est décédé et enterré en France le 28 janvier 1983.