On le savait et on le sait, la popularité du «Clasico du monde» en Algérie ne date pas d'hier. Depuis plus de deux décennies déjà, les rencontres qui mettent aux prises le FC Barcelone avec le Real Madrid ont de tout temps déchaîné les passions dans le pays de Rabah Madjer et Lakhdar Belloumi, parfois en éclipsant même le championnat national et la sélection. Et avec cette série record de quatre matches qui opposent en cette fin de saison les deux grands d'Espagne (Liga, coupe du roi et double confrontation en Champions League), la fièvre du Clasico s'est emparée du pays en entier jusqu'à occuper une place privilégiée dans le quotidien des Algériens. Que ce soient dans les foyers, dans les bureaux, dans les rues et bien entendu les cafés, la discussion ne tourne que sur la grande explication qui se déroulera encore aujourd'hui au stade Santiago Bernabeu (Madrid) entre les deux plus grands clubs du monde, cette fois pour le compte de la demi-finale aller de la Ligue des Champions européenne. Si dans les rues d'Alger, le décor est loin de ressembler à celui qu'on voit depuis une dizaine de jours à Madrid ou à Barcelone qui offrent un spectacle haut en couleur, la ferveur qu'ont les Algériens pour ces deux clubs mythiques n'a rien à envier à celle des socios merengues et culés (surnoms donné respectivement aux fans du Real et du Barça). «En Algérie, ou bien t'es supporteur du Barça ou du Real. Et même si tu aimes un autre club européen comme Manchester United, le Milan AC ou le Bayern de Munich, tu es obligé de choisir un camp quand les deux équipes s'opposent. C'est dire si le Clasico ne laisse personne indifférent en Algérie», note Abdelkader de Saint-Eugène qui se souvient avoir épuisé toutes ses économies pour acheter une parabole individuelle au début des années 90 rien que pour voir le Clasico, lui qui supporte pourtant Manchester United. «C'est devenu un calvaire pour moi. Chaque fois que ces deux équipes s'affrontent, la maison s'embrase, puisque mes enfants sont divisés, surtout quand ils ramènent leurs copains pour voir le match. Ça me tape sur le système, car durant toute la soirée, on assiste à un vacarme étourdissant qui me fait perdre le sommeil», se plaint khalti Zohra, une mère de famille sexagénaire qui déteste le foot comme elle ne cesse de le clamer, sauf pour voir un match de l'équipe nationale. DES SOCIOS VERSION ALGERIENNE Partout dans le pays, l'impact du Clasico est visible. Des groupes de jeunes se forment à l'improviste dans les rues d'Alger pour évoquer la grande affiche du mercredi. Dès lors, les «nous, le Barça» ou «vous le Real» et vice-versa fusent de partout, comme pour raviver la tension qui anime les deux camps, déjà à son paroxysme après la victoire du Real Madrid sur son rival catalan mercredi dernier en finale de la coupe du roi. «Mon mari n'a pas dormi de la nuit lorsque le Real a battu mercredi dernier le Barça en finale de la coupe d'Espagne. J'ai beau essayer de lui expliquer que ce n'était qu'un match de football opposant de surcroît deux équipes qui n'ont rien à voir avec l'Algérie, il était inconsolable. Il était même insupportable», affirme Amel en parlant de son mari Hamouda, un grand mordu de l'équipe de Lionel Messi. «Je suis stressé. Je ne veux pas voir une nouvelle fois le Real gagner face au Barça. Ça serait cauchemardesque pour moi. La dernière fois, j'ai dû éteindre mon portable pour ne pas laisser mes amis supporters du Real me chambrer. Mais j'ai confiance en l'équipe du Barça et principalement Messi pour les faire taire une fois pour toutes», confie pour sa part Houssam, grand fan du Barça, mais qui sera vite interrompu par son copain de quartier à Belcourt, Omar, un «madridista» dans le sang. «Vous allez encore une fois pleurer. Mourinho vous prépare une tactique machiavélique. Ton Messi ne fera rien», lui lance-t-il. Même à El Harrach où le team local s'apprête pourtant à disputer la finale de la coupe d'Algérie, la seconde depuis 1987, ses inconditionnels préfèrent attendre passer l'acte III du Clasico pour accentuer les grands préparatifs de la fête prévue dimanche au stade du 5 Juillet. «Je ne dirai pas que le Clasico a éclipsé la finale de la coupe d'Algérie ici à El Harrach, mais disons qu'il a tempéré un peu les ardeurs des fans de l'USMH qui, comme des millions d'amoureux du Real ou du Barça, ont la tête aussi au Clasico», nous dit le jeune Hichem, un mordu de Semsem, vendeur de pièces détachées de son état, rencontré du côté de Bab Ezzouar. Quoi qu'il en soit, la fièvre du Clasico a fait oublier un tant soit peu aux Algériens leurs problèmes sociaux. Comme quoi la magie du foot…