Décidément, Alain Juppé n'est pas entré dans le gouvernement Fillon pour faire de la figuration. Après Kadhafi sous les bombes et Gbagbo en marcel, place à Netanyahou dans le blockhaus. Parce qu'il a osé déclarer que l'accord Fatah-Hamas n'est pas une menace devant laquelle il faut se «bunkeriser» mais une chance à saisir que le patron du Quai d'Orsay fait face aux pires critiques de Tel-Aviv. Il est facile de se calfeutrer dans de luxueux bureaux parisiens et lancer de tels propos acidulés alors qu'Israël doit se protéger contre des milliers de roquettes lancées par le Hamas. Dixit un haut responsable israélien qui n'a pas pris le temps de préciser que le mouvement islamiste palestinien a donné parole de ne pas violer la trêve unilatérale. Le gouvernement Netanyahou va-t-il s'en prendre aussi au président Shimon Pères qui a estimé pour sa part que des négociations avec le Hamas palestinien sont possibles, sous conditions que le mouvement de feu cheikh Yacine reconnaisse l'Etat d'Israël et les accords passés entre l'Etat hébreu et l'OLP et renonce définitivement à la violence ? Assurément, c'est la France de Sarkozy qui se fige dans le rétroviseur de l'administration de Tel-Aviv. A ce point, l'idée d'une conférence de paix au cours du mois de juin prochain à Paris n'a suscité aucun intérêt chez l'hôte de l'Elysée, Benjamin Netanyahou, alors que si l'initiative de Nicolas Sarkozy venait à relancer les pourparlers, il se pourrait bien qu'Israël évite une reconnaissance unilatérale de l'Etat de Palestine ? Un «diktat», selon le Premier ministre israélien, qu'imposeraient les instances onusiennes lors de leur prochaine Assemblée générale. A vrai dire, le likoudien Netanyahou n'a pas fait le déplacement à Paris, puis à Londres, pour entendre parler d'une énième tentative de relancer le processus de paix. Mais obtenir une garantie claire que la France ne va pas apporter de l'eau au moulin des Palestiniens que le même Alain Juppé a jugés mûrs pour qu'ils puissent enfin créer et gérer leur propre Etat indépendant. Avec le Hamas en son sein, son chef politique partageant avec Mahmoud Abbas l'objectif national commun d'établir un Etat indépendant et souverain en Cisjordanie et à Ghaza avec El Qods pour capitale et sans aucun colon ? A cette dernière condition, l'Etat hébreu ne pouvait pas trouver mieux que son chef de la diplomatie pour y répondre. A s'en tenir aux dires du nationaliste Avigdor Lieberman, Israël ne gèlera pas un instant la colonisation en Cisjordanie et à El Qods-Est, une obstination qui avait fait capoter les derniers pourparlers directs. Ce qui veut dire que l'administration de Tel-Aviv ne veut ni reprise des négociations de paix ni reconnaissance unilatérale de l'Etat palestinien. Reste le statu quo actuel qui arrangerait bien les affaires de Netanyahou and Co : continuer d'agrandir les grands blocs de colonie en Cisjordanie et s'offrir le luxe de retirer le statut de résident à quelque 140 000 Palestiniens. Un nouvel «acte de précaution» contre la réconciliation palestinienne surtout que les critiques au sujet des sanctions financières prises par Israël contre l'Autorité palestinienne n'ont eu aucun effet sur l'administration de Tel-Aviv. Elle continue de faire ce que bon lui semble, les piques d'Alain Juppé perdraient toutes de leur vénénosité. Et ce n'est pas l'appel de Salam Fayyadh, le Premier ministre palestinien, à la communauté internationale à presser Israël de suspendre le transfert de fonds dus à l'AP qui va pousser Netanyahou à changer de fusil d'épaule. Il ne fait que reproduire l'œuvre immonde de son maître, Ariel Sharon, qui prenait les mêmes sanctions contre feu Arafat. Comme quoi, chez les Israéliens, l'histoire n'est pas qu'un éternel recommencement, mais une complainte contre la paix.