A en croire Alain Juppé, le patron du Quai d'Orsay, qui s'oppose à l'envoi de commandos en Libye comme l'a suggéré le président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale française, Paris et ses partenaires de l'Union européenne réfléchissent à la reconnaissance d'un futur Etat palestinien indépendant. Dans les frontières de 1967 qui, par la suite, obligeraient l'Etat hébreu à restituer le Golan syrien ? Aucun détail n'a été dévoilé, les Vingt-sept de l'UE seraient au «début» de leurs consultations. C'est-à-dire au stade la réflexion. Mais au vu des divergences que les membres de l'union ont eu au sujet de la Libye – Kadhafi a tout de même réussi à fournir la preuve que l'Europe de la défense n'est qu'une coquille vide – il est peu probable qu'un consensus se dégage d'ici à septembre, date à laquelle le projet de reconnaissance sera débattu en Assemblée générale, aux Nations unies. Certes, des diplomates américains et européens seraient en train de mettre la pression sur les épaules de Benjamin Netanyahu afin qu'il expose sa vision des voies à explorer pour la reprise des négociations de paix, mais rien n'indique que l'Etat de Palestine sera reconnu de facto en l'absence d'une relance de ces discussions de paix ou en cas d'échec de celles-ci. Pourtant, d'après des révélations du Los Angeles Times, le Quartette pour le Proche-Orient pourrait bien reconnaître l'Etat palestinien que le président Obama voudrait saluer en septembre. Juste pour faire beau, au risque de se voir lâcher par l'électorat juif aux Etats-Unis ? Une proclamation unilatérale de l'indépendance serait une erreur irresponsable de la part des autorités de Ramallah, affirme-t-on à Tel-Aviv. Il ne pourrait y avoir de paix sérieuse sans pourparlers francs entre les deux camps. Si le gouvernement Netanyahu le pense sincèrement pourquoi alors avoir refusé de reconduire le moratoire sur la colonisation ? On n'en est plus d'ailleurs là. Reprenant son bâton de pèlerin, Mahmoud se trouvait hier à l'Elysée pour convaincre Nicolas Sarkozy d'aller de l'avant, vers une reconnaissance prochaine de l'Etat de Palestine. Gouvernements français et américain seraient-ils tous deux disposés à «lâcher» leur fidèle allié israélien, au bonheur de grandes puissances mondiales et régionales rivales ? L'annonce faite par Alain Juppé, à propos de la reconnaissance d'un futur Etat palestinien, en porte-à-faux avec la position US, cacherait-elle un appel du pied à Washington pour un soutien militaire plus franc dans le conflit libyen ? Alors que le Premier ministre français, François Fillon, a annoncé que Paris allait intensifier ses frappes aériennes au-dessus de la Jamahiriya libyenne, le vice-président américain, Joe Biden, a rappelé à ceux qui veulent écouter la voix de l'Amérique, que l'Otan peut se passer des Etats-Unis et que cela n'empêchera pas l'Alliance atlantique de mener à bien sa mission en Libye. Ce n'est pas une histoire de ressources insuffisantes mais d'un manque de volonté chez certains membres de l'organisation des Vingt-huit. Quoi qu'il en soit, l'Amérique d'Obama se sent plus utile en Egypte, où l'Iran vient de nommer son premier ambassadeur dans l'ère post-Moubarak, et au Pakistan à travers lequel la mouvance talibane n'a pas encore dit son dernier mot. La Libye serait ainsi une affaire strictement européenne. Au mieux, les Etats-Unis poursuivraient leurs recherches pour dénicher un pays susceptible d'accueillir les Kadhafi qui, eux, ne veulent partir nulle part. Autrement, les autorités américaines préfèrent rester dans les théâtres qu'elles occupent déjà. Après s'être «embrouillée» avec certains de ses partenaires de l'UE et de l'Otan, la France entrerait-elle en conflit avec son grand allié US alors que les opposants au régime de Tripoli viennent de saisir par écrit et de manière officielle la coalition pour le déploiement de troupes occidentales au sol ? Suite à l'ensablement militaire, les alliés pourraient assister à leur propre enlisement diplomatique.