Il n'aurait pas raté la cérémonie pour rien au monde. Nicolas Sarkozy, convive de marque lors de la cérémonie d'investiture du nouveau président ivoirien, Alassane Ouattara. Sarko, le dernier soldat de France a bien mérité tous ces égards de la part de ses hôtes à Abidjan. Après tout c'est la force Licorne qui a pris, à l'aube, le risque d'aller tirer le boulanger de son lit présidentiel. Le maître de l'Elysée s'est même dépêché de le rappeler aux grandes puissances rivales qui ont cru un instant que l'armée française allait quitter le sol ivoirien. La force Licorne va être maintenue sur place sans délai fixe de rapatriement. En plus d'assurer la sécurité des ressortissants français, elle ne ménagerait pas d'efforts pour épauler l'armée ivoirienne dans la mission de rétablissement de l'ordre. Le projet de réconciliation nationale d'Ouattara a de beaux jours devant lui autant que les grands chantiers économiques que la Ve République française n'aimerait pas voir lui filer entre les doigts, au profit de géants investisseurs concurrents. Quant aux entreprises qu'elle administre déjà, elle ne devrait pas avoir beaucoup de mal à les garder. L'intervention de Paris vaut bien de telles «offrandes» de la part du nouveau gouvernement d'Abidjan. Il faut dire que la France n'a pas eu à tergiverser depuis le tout début de la crise politique en Côte d'Ivoire. Elle avait fait vite de choisir son camp contrairement à ce qui s'est passé en Tunisie ou en Egypte. Entre le marteau et l'enclume et à moins de n'avoir pas vu juste par la faute de ses diplomates en poste, Paris a fini par lâcher le bâton qu'elle a tenu par le milieu, des semaines durant. Un pareil faux pas est impardonnable en diplomatie. Surtout que d'après des indiscrétions, ce sont bel et bien les militaires américains qui auraient mis la pression sur leurs collègues tunisiens pour que le départ de Ben Ali ne soit plus qu'une formalité. Quant au pays des pharaons, l'Anglais David Cameron et l'Américaine Hillary Clinton se sont précipités, séparément, au Caire pour soutenir l'Egypte post-Moubarak. Lors de son récent discours, consacré au monde arabe, le président Obama a fait exprès de mettre l'accent sur les soutiens politique et financier dont vont profiter Tunis et le Caire. L'Amérique se tiendra aux côtés de leurs autorités respectives pour préserver ses propres intérêts, mais également pour tenter de concilier la sécurité d'Israël avec la paix que Tel-Aviv veut négocier loin des frontières de 1967. A ce point, Washington perdrait de son influence au Proche-Orient par la faute de son différend avec le gouvernement de Netanyahou et le rapprochement du conseil de transition égyptien avec la République islamique d'Iran ? Pas si certain. Ce, malgré que l'Union européenne fait actuellement le forcing sur le régime de Damas et face auquel elle paraît encline à en découdre. Aussi au Yémen, où en bonne compagnie des Etats-Unis, sa diplomatie est restée active en coulisses. Sans oublier la Libye en guerre, où détruire et synonyme de reconstruire. Parce que le Pentagone a choisi de remettre le commandement des opérations de l'Otan à ses alliés européens et parce qu'il n'est pas encore question d'une totale reconnaissance du Conseil national de transition libyen que l'administration américaine va s'effacer du terrain de la reconstruction et de la gestion des ressources durant la prochaine ère post-Kadhafi ? Difficile de le croire, la course au partage concerne l'ensemble des pays arabes qui sont ou vont être sous le coup de la démocratisation en chaîne que le bloc occidental tente de mener justement à pas de course. Semble-t-il, la crise chronique sur le Vieux continent a fait dire à certains qu'il n'était plus question de croiser les fusils comme au temps de la guerre d'Irak. Aux côtés de l'Afrique, le monde arabe se veut aussi l'autre grenier de l'Occident.