Après avoir résisté plus de quatre mois contre la volonté de son peuple et de la communauté internationale, le président sortant de Côte d'Ivoire s'est enfin rendu. Retranché dans un bunker de sa résidence, à l'abri des bombardements menés par les troupes de son rival Alassane Ouattara, appuyées par les hélicoptères des Nations unies et de la force française Licorne, Gbagbo a fini par en sortir pour demander la protection des Nations unies. «Le président Gbagbo a également fait sa reddition et a demandé la protection de l'Onuci, l'opération des Nations unies en Côte d'Ivoire», souligne un document adressé au personnel de l'ONU dans le pays, cité par Reuters. Fin de cavale donc pour le futur ex-président qui a défié tout le monde et provoqué un bain de sang dans sa course folle pour le confiscation d'un pouvoir qui lui a démocratiquement échappé. Mais alors qu'il sortait de son «trou», Laurent Gbagbo a déclaré qu'il ne reconnaissait pas la victoire de son rival, Alassane Ouattara, rejetant ainsi une demande de Paris et de l'ONU dans ce sens. Une fin peu glorieuse «Je ne reconnais pas la victoire de Ouattara. Pourquoi voulez-vous que je signe cela ?», a déclaré Laurent Gbagbo, à qui la France et l'ONU demandent, selon Paris, de signer un document dans lequel il renonce au pouvoir en Côte d'Ivoire et reconnaît Alassane Ouattara comme président du pays. «Je trouve absolument ahurissant que la vie d'un pays se joue sur un coup de poker de capitales étrangères», a-t-il dit. «Je sors d'un culte pour prier, pour que la sagesse habite les uns et les autres, pour que l'on discute», a encore déclaré Laurent Gbagbo. «Que l'on s'asseye et qu'on discute, mais on ne veut pas s'asseoir, parce qu'on compte sur les forces armées étrangères», a-t-il déploré en parlant d'Alassane Ouattara. Mais ces paroles ne valent désormais plus rien pour l'ex-maître de la Côte d'Ivoire. Ce scénario était très attendu hier tant Gbagbo était isolé dans son bunker et que trois de ses fidèles généraux lui ont faussé compagnie. Le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, déclarait devant l'Assemblée nationale française que le départ du Président ivoirien sortant était «imminent» et que des négociations étaient engagées pour sa reddition. Pari gagné pour la France «Ce qui est en cours, ce sont les tractations avec Laurent Gbagbo et sa famille pour mettre au point les conditions de son départ», a déclaré Alain Juppé, lors d'une audition avec son collègue de la Défense, Gérard Longuet, devant des députés. M. Juppé a précisé que ces négociations étaient menées par Alcide Djédjé, ministre des Affaires étrangères de Laurent Gbagbo, à l'ambassade de France, où il se trouve depuis lundi soir pour négocier un cessez-le-feu. A Paris, la cause était quasiment entendue. Il ne restait que des détails à régler d'un deal conclu avec Gbagbo. Alain Juppé a d'ailleurs précisé que la France était «à deux doigts de convaincre M. Gbagbo de quitter le pouvoir et de laisser Alassane Ouattara l'exercer». Son collègue de la Défense, Gérard Languet, avait également estimé que «tout peut se dénouer dans les quelques heures qui viennent» en Côte d'Ivoire. François Fillon suivait lui aussi la grand-messe d'Abidjan. Il a déclaré avoir participé, hier matin, à un entretien téléphonique avec le président français Nicolas Sarkozy et Alassane Ouattara. Le président français a fait état, à cette occasion, de «son souhait de voir se constituer un gouvernement de large union nationale en Côte d'Ivoire pour assurer la réconciliation de tous les Ivoiriens», a dit M. Fillon. Mais au-delà ce souci de «pacifier» la Côte d'Ivoire, Sarkozy espère surtout requinquer sa stature diplomatique ternie par des bévues désastreuses en Tunisie et en Egypte. Après avoir réussi le pari de «déposer» Gbagbo et d'introniser Ouattara, le locataire de l'Elysée espère désormais reprendre la main en France, où sa cote de popularité, à une année de la présidentielle, est calamiteuse. C'est dire que le départ forcé de Gbagbo va être fêté à Abidjan, mais surtout à Paris. Alassane Ouattara, le chouchou de l'Occident, va, lui, fêter une victoire qu'il acquise le 2 décembre 2010 (54,1% des suffrages) dont Gbagbo l'a frustré.