Décidément, le printemps arabe sera plus vert de billets qu'il a semblé l'être il y a quelques jours à Deauville. Ceux qui ont «choisi» la voie de la démocratisation auront quelque chose comme 40 milliards de dollars pour mener à bien les réformes que l'Occident ne veut pas voir trop traîner. Il faut vite se mettre au diapason… démocratique, la démocratie est elle aussi une affaire d'argent. Plus vite les pays arabes seront libéralisés, plus vite ils auront à faire des concessions déchirantes, notamment en ce qui concerne la question palestinienne ? L'administration américaine n'attendrait pas moins de ses futurs alliés en Afrique du Nord et au Proche-Orient. Serait-ce le «prix de la liberté» qu'il faudrait payer suite à l'incompréhension qu'aurait suscitée une partie du discours d'Obama, consacrée à la vision de deux Etats sur la base des frontières de 1967 ? Il risque d'être déçu, la Ligue arabe vient d'annoncer à Doha l'appui de la décision de l'Autorité palestinienne de s'adresser en septembre à l'Assemblée générale des Nations unies afin que leur Etat, reconnu par 110 pays, soit admis à l'Onu. Un ultime recours pour qu'enfin l'Etat de Palestine devienne un Etat à part entière dans les frontières de 1967 avec pour capitale Al Qods-Est. Tout le contraire de ce que cherche à imposer le gouvernement de Tel-Aviv à travers des négociations de paix que la Ligue arabe préfère suspendre tant qu'il n'y aura pas de partenaire prêt à de sérieux pourparlers dans le camp israélien. Dixit le premier ministre du Qatar, Cheikh Hamad Ben Jassem Al Thani dont le pays est accusé par les durs du Proche-Orient, en disgrâce vis-à-vis de leurs peuples, d'être à la solde des Etats-Unis. Si leurs plus proches alliés dans la péninsule arabique sont pour une reconnaissance, unilatérale soit-elle, de l'Etat palestinien, l'Occident en général et l'Amérique en particulier continueraient-ils d'entretenir l'espoir que les futurs dirigeants arabes finiront par céder sur l'essentiel, ce qui marquera un lâchage pur et dur de leurs frères palestiniens ? Il est tout à fait remarquable que le président Obama cite la Pologne comme un modèle de démocratie à suivre, mais de là à imaginer que les gouvernements arabes post- démocratisation vont accepter qu'Al Qods demeure la capitale éternelle et indivisible d'Israël, selon les désirs fous de Netanyahou & compagnie. C'est dire qu'il ne faut absolument pas confondre entre intérêts économiques que peut générer l'interventionnisme au nom de la libéralisation et les concessions politiques autour d'une question aussi sensible que celle de la Palestine à travers le monde arabo-musulman. D'où cette décision de la Ligue arabe à se retourner en un seul bloc vers l'Onu ? Ce ne sont pas des manœuvres, a déclaré assez fort Mahmoud Abbas pour qu'il puisse être entendu à la Maison-Blanche au sujet du futur Etat de Palestine. Sauf que pour être reconnu en tant que tel, il faudra forcément passer par le Conseil de sécurité où il sera impossible de voir le projet de reconnaissance aboutir. Le veto US ferait échouer toute tentative d'une naissance aux forceps. Pour ne pas en arriver là, le président Obama a qualifié, à partir de Londres, d'«erreur» le projet de demande de reconnaissance d'un Etat palestinien à l'ONU sur la base des frontières de 1967. Ainsi, il serait plus sage d'opter pour un accord de paix bilatéral qui nécessiterait des «compromis déchirants» aussi bien pour les Israéliens que pour les Palestiniens. Davantage pour les seconds qui sont invités à faire preuve de compréhension envers Netanyahou qui doit assurer la sécurité et gérer démographie en Israël via des frontières défendables. Devant ce flagrant parti pris de Washington, pas du tout certains que les futurs dirigeants arabes acquiescent au premier virement de billets verts.