Selon les estimations d'«Ado», le nouveau président de la Côte d'ivoire, son pays a besoin de 15 à 20 milliards de dollars pour les cinq prochaines années. Il risque d'attendre un peu plus longtemps un geste de la communauté internationale. En tout cas, à Deauville, les membres du G8 n'ont semblé avoir d'yeux que pour les pays arabo-musulmans qui se sont engagés sur la voie de la démocratisation. Parce que ceux-là ne peuvent pas vivre que de liberté et d'eau fraîche que le groupe des huit plus grands de ce monde en crise a pris l'initiative de sortir le chéquier. C'est que les grandes puissances sont convaincues que les changements en cours au Moyen-Orient et en Afrique du Nord sont historiques et peuvent bien ouvrir grande la voie à la libéralisation qu'empruntaient les pays de l'Europe centrale et orientale au lendemain de la chute du mur de Berlin. Avec 20 millions de dollars, les trois prochains printemps arabes ne seront que plus beaux. Davantage en Egypte où les Moubarak vont désormais devoir répondre de leurs actes devant la cour d'assises et en Tunisie où un report des premières élections post-Ben Ali pourrait aboutir à une situation explosive et surtout incontrôlable. La plus simple des questions qui vient à l'esprit est de savoir si ces deux pays réformés vont devenir naturellement des pro-occidentaux ? Ce, en attendant qu'Obama et Sarkozy terminent le travail en Libye et peut-être même au Yémen au sujet duquel la France vient d'émettre un bulletin d'alerte à ses ressortissants, les sommant de quitter ce pays. Rien ne le dit, l'appât du chèque pourrait ne pas être synonyme de vassalité. En plus de négocier un rapprochement avec la République islamique d'Iran et d'avoir été derrière l'accord de réconciliation entre le Fatah et le Hamas, le gouvernement du Caire vient de prendre la décision de rouvrir officiellement le passage de Rafah. Ce qui, selon l'administration de Tel-Aviv, va nuire considérablement à sa stratégie sécuritaire que le président Obama continuera de soutenir contre vents et marées. Inutile de le rappeler, les héritiers des pharaons sont libres et souverains chez eux, l'oncle Hosni n'est plus là pour brader le gaz égyptien et défendre, par les voies appréciées de la modération, la sécurité d'Israël. Quitte à ce que la paix des braves au Proche-Orient ne voit jamais le jour. Et si les nouveaux pays libéralisés et ceux à venir n'ont fait que tourner temporairement le dos à l'Occident pour justement bénéficier de ces aides colossales du FMI et des banques de développement multilatéral ? Trop tôt pour confirmer s'il s'agit de pressions délibérées en vue de l'obtention de ces énormes soutiens financiers. Ce qui est certain, la simple évocation du fonds monétaire international prête à polémique. Non pas à cause de l'affaire DSK, mais en raison de la captation européenne du poste de patron du FMI. Les BRICS, pays émergents par excellence, n'arrivent plus à supporter le fait que la fonction en question soit réservée uniquement à des candidats européens alors que celle de directeur général de la Banque mondiale revient presque de droit à un Américain. Certes, il est peu probable que les BRICS parviennent à accorder leurs violons d'ici au 10 juin prochain, date de la fin de dépôt des candidatures au FMI. Chose plus réaliste, le groupe anti-ordre mondial actuel envisage des initiatives à plus long terme pour que ce même ordre inégalitaire soit réformé. Avant une réforme au Conseil de sécurité des nations unies que Latinos et Africains attendent depuis des lustres ? Les BRICS auraient tant aimé annoncer en chœur, derrière la Fédération de Russie, avoir été les pourvoyeurs en chef des pays arabo-musulmans post-révolution au lieu que ce soit l'Occident qui a fait de ses amis d'hier ses ennemis d'aujourd'hui.