D'innombrables calligraphies, enluminures et miniatures tout aussi agréables et succulentes les unes que les autres composent l'intéressante exposition collective qui se tient du 6 au 25 août à la galerie Ahlem à l'hôtel Hilton. Cette floraison de couleurs, de traits et de formes divers témoigne de cet art tout en finesse et en précision. Pas moins d'une trentaine d'artistes peintres dont Belaribi Mustapha, Benazouz Mohamed, Bentourkia Amine, Benhalima Menad, Boulacheb Nadjib, Ghedjati Ismahane, Hamza Farida, Ali Ould Ramoul Ali et Safar Bati ont montré leur savoir-faire à travers leurs œuvres multiples et variées. C'est un incontestable challenge que de réunir autant de plasticiens et d'œuvres de haute facture. Ce pari tenu est gagné par le responsable de la galerie Kamel Haddad qui baigne dans ce milieu des œuvres d'art au regard de sa vocation initiale d'antiquaire. En cette soirée de l'exposition, la cossue galerie Ahlem de l'hôtel Hilton, qui a connu une affluence certaine, a drainé un public averti et novice. Spécialistes des arts plastiques ou profanes s'extasiaient devant ces tableaux innombrables qui trônaient au rez-de-chaussée et au premier étage de l'hôtel. Chaque artiste a présenté plusieurs tableaux. Ces toiles de grands et moyens formats plaident pour une vision hors des sentiers battus de la calligraphie, de la miniature et de l'enluminure. Cette démarche qui s'inscrit dans une optique nouvelle rappelle que cet art ancien n'a pas pris une ride et reste toujours d'actualité. Loin de toutes influences persane, turque ou iranienne, ces toiles plaident pour un art consommé qui puise du terroir et de notre patrimoine riche et diversifié. Intitulée «Encre et lumière», cette exposition captivante témoigne de ce registre de la civilisation arabo-musulmane qui ne cesse de se renouveler. Ces calligraphies revisitées avec une touche moderne permettent de voir que cet art reste pérenne. De superbes calligraphies Des traits distinctifs, des entrelacs de teinte noire qui meublent toute la surface du tableau décline une calligraphie à son summum. De visu, ce sont des signes et des arabesques qui s'entrelacent et s'entremêlent dans une esthétique épurée, des lignes qui épuisent toutes les possibilités, et des traits aboutis qui font des clins d'œil au patrimoine. A l'aplat de couleur succède l'arabesque qui batifole et folâtre au gré des émotions de chaque artiste. De cet agencement minutieux, appliqué et précis de signes, de lettres et de tracés, il ressort des œuvres d'une grande solidité par le truchement de la couleur et l'harmonie des tons. Ces calligraphies sont superbes notamment celle de Kadri dont cette toile à la nappe de vert céladon répartie sur toute la surface à une intensité et une vigueur sans pareille avec ses quelques arabesques en blanc qui donnent une luminosité à cette œuvre. Audacieux dans leurs approches, ces plasticiens ont su avec doigté et dextérité apporter une maîtrise et une rigueur à leur œuvre. L'enluminure avec quelques éléments ornementaux est perçue comme un signe de ressourcement. Ces magnifiques versets coraniques rejaillissent différemment sous le pinceau avisé et subtil de chaque artiste. Dans les diverses écritures kouffie, ou nasride, la lettre dorée suit une trajectoire dans une exquise sarabande. Avec un style infiniment délicat et un goût somptueux de la couleur, ces miniatures constituent pour certains artistes une palette de prédilection. Comme un miroir nostalgique, elles rappellent une ambiance où il faisait bon d'y vivre. Ces diverses miniatures, entre autres celles de Farida Hamza, expriment une vitalité qui ressort dans la finesse du tracé, la délicatesse du dessin et le raffinement des teintes. La plupart de ces miniatures font rêver à une époque à jamais révolue. Scènes de hammam, discussions, jeux de cartes, autant de symboles à forte résonance qui sont des rappels à des mœurs passées.
Préserver le patrimoine arabo- musulman Les mêmes qualités d'élégance, et d'ingéniosité s'accusent dans les miniatures et enluminures. Dans ces miniatures, on ne retrouve pas cette soumission aux modèles persans. Bien au contraire, il y a une volonté délibérée de sauvegarder nos us et coutumes. Ces miniaturistes excellent dans l'équilibre des silhouettes et des personnages et dans l'intégration de ces motifs géométriques ou floraux. Dans certaines, ces motifs où les schématisations font place à des éléments naturalistes donnent une audace et une véhémence à ces compositions. Ces calligraphes et miniaturistes abordent avec frénésie leurs œuvres pour porter haut et fort ces ornements tout en légèreté et en gracilité. Notons que Kamel Haddad, dont les prémices d'ouverture de cette galerie remontent à juin, a déjà à son actif trois expositions dont celle de Abderrahmane Chahouane et Zahia Kaci. Sa galerie d'art regorge de pièces d'art de grande beauté dans le registre de l'argenterie, dinanderie, joaillerie céramique, cristal et meubles (notamment cette sublime salle à manger style renaissance datant de la fin du 18e siècle). Cette exposition qui s'intègre parfaitement en ce mois de dévotion et de ferveur vise à valoriser et vivifier cet art faisant partie du patrimoine commun au monde musulman et arabe tout en préservant la touche locale.