La visite «improvisée» que le président Nicolas Sarkozy et le Premier ministre britannique David Cameron ont effectuée, jeud à Tripoli et à Benghazi, où ils ont été accueillis, pratiquement, en «libérateurs» par les Libyens, répond à un certain nombre d´objectifs qui n´ont aucun lien avec les raisons «humanitaires» de la guerre en Libye. Nicolas Sarkozy, l'auteur de cette initiative, avait grand besoin de cette visite «triomphaliste»et de la présence à ses côtés de l´activiste philosophe Bernard-Henry Levy, pour assurer le retour de la France sur la scène internationale d'où l'ont exclue les Etats-Unis qui jouent, à ce jour, un rôle quasi-exclusif dans la fabrication du nouvel ordre politique du monde arabe. Son but était de rattraper le retard diplomatique accusé par Paris dans la prise de décision sur les grandes questions, à la suite du bras de fer engagé par Jacques Chirac avec George Bush qui punit la France pour sa position sur l´invasion de l'Irak. Il fallait, aussi, court-circuiter, le Premier ministre turc qui tente de se positionner dans le «Printemps arabe» en tant que leader musulman en brouille avec Israël. En prenant le risque de l'aventure militaire en Libye, Sarkozy entendait soigner sa personne en rattrapant les ratés tunisien et égyptien de sa diplomatie, et «soigner» aussi l´image ternie de son pays dans le monde arabe pour sa politique franchement pro-israélienne. C´est le prix que la puissance militaire occidentale la plus agissante a risqué dans le conflit libyen. De ce point de vue, la visite de Sarkozy et de son collègue britannique a eu le «succès» recherché au plan international. Au plan économique aussi. Le coût de la reconstruction des dommages de guerre est évalué à 150 milliards d´euros. Nicolas Sarkozy a bien sûr nié la nature «intéressée» économiquement de sa visite en Libye, mais les faits sont là. Le Medef, syndicat des patrons, a déjà obtenu des autorités libyennes un tiers des contrats pour reconstruire les infrastructures de bases en Libye. Soit un marché de 40 milliards d'euros, hors hydrocarbures. La Libye dispose, en outre, de 40 milliards de tonnes de pétrole léger dans son sous-sol et les compagnies pétrolières françaises auraient déjà raflé tous les contrats «politiques» dans ce secteur. L´Espagne, qui a pris part à la guerre de Libye, entend, elle aussi, avoir sa «part du gâteau». Repsol est de retour en Libye. Le nouveau gouvernement libyen s'est engagé à respecter les contrats signés par ce groupe pétrolier avec le régime libyen. Le ministre libyen des Finances et du Pétrole, Ali Tarhouni, a tenu à être rassurant pour le gouvernement Zapatero en déclarant que «les entreprises espagnoles seront les bienvenues», avec ce clin d´œil particulier pour Repsol qui «n´aura pas besoin de signer de nouveaux contrats pour poursuivre ses activités en Libye». Les dessous de table ne sont pas exclus. C´est donc un tiers de la production pétrolière libyenne d´avant-guerre que l´Espagne vient de s'assurer. Mais qu'en est-il de l'impact au plan interne de la visite libyenne de Sarkozy qui avait un air de campagne électorale pour l´Elysée. Il ne faut pas être naïf, cette virée avait, surtout, un objectif politique interne. Le président candidat est toujours au plus bas dans les sondages et avait besoin de chatouiller le nationalisme avec cette «victoire» de l´armée française qui en avait grandement besoin depuis la série de défaites enregistrées sur plusieurs décennies. Il se trouve que les électeurs sont plutôt préoccupés par le chômage et la crise de l'euro. Il n'est donc pas évident de glaner des dividendes politiques avec ce va-t'en-guerre en Libye pour se faire réélire en 2012. Sur ce terrain, la moisson de guerre risque d´être pauvre.