Fethi ne s'intéresse pas à la politique, mais il lui arrive d'être pris dans une fièvre généralisée quand un événement national ou international s'impose à son espace vital. Il était trop jeune en 1988, presque aussi jeune en 1990, toujours insouciant en 2001, mais depuis trois ou quatre ans, il s'invite régulièrement au «débat» quand il estime que de toute façon, «on vous fera El boulitik, si vous ne faites pas de politique». Mais Fethi ne sait pas vraiment ce qu'il veut et ça lui pose un sérieux problème. Pourtant, il ne croit pas à la théorie du «tous pourris» et il aurait pu se décider à s'engager dans un parti politique. Il n'avait pas vraiment de problème de choix, puisque de toute façon, il n'aurait dit que ce qu'il pensait et il n'a même pas écouté ceux qui lui disaient que dans les partis, on ne peut pas dire ce qu'on veut. Fethi a quelques idées, mais il ne les dit qu'à quelques amis. Pas plus qu'avant-hier, il a suivi avec beaucoup d'intérêt un reportage consacré par une télévision «étrangère» à la fontaine de Trevi à Rome. Dans cette fontaine, à l'architecture imposante, la tradition veut que tous les visiteurs, les touristes essentiellement, jettent une pièce. Résultat de la pêche annuelle, 800 millions d'euros. Avant, tout le monde pouvait y plonger et récolter un peu d'argent. Jusqu'à ce qu'un élu municipal, bien inspiré, propose que l'argent soit récolté par la mairie pour financer des magasins destinés aux chômeurs et autres personnes en difficulté. Le résultat est tellement bon que d'autres villes italiennes ont reproduit la formule avec leurs fontaines. Alors, Fethi a songé à faire la même chose à Alger, qui fera peut-être boule de neige dans le pays. Mais il s'est rappelé qu'il n'y avait pas de fontaine et qu'il n'y avait pas de touristes à Alger. Encore moins dans les autres villes du pays. Il s'est rappelé aussi que le reportage sur la fontaine de Trevi montrait un pauvre bougre qui en a fait un «travail» à temps plein. Il se levait chaque matin de bonne heure et allait plonger dans la fontaine pêcher autant de pièces que lui permettait sa résistance en apnée. Le pauvre bougre romain avait un petit pincement au cœur en raison de ce changement, mais il était tout de même content que cela serve à une si noble action. Maintenant, Fethi n'est même pas déçu de ne pas aller au bout de son idée. Il a pensé qu'à Alger il n'y a pas de fontaine, il n'y a pas de touristes, mais il y a tellement de plongeurs potentiels comme le pauvre bougre romain que ça pourrait déclencher une guerre civile au premier petit matin. Fethi ne sait toujours pas s'il va faire un jour de la politique. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir