Les Tunisiens étaient sortis hier en masse pour élire les 217 membres de l'Assemblée constituante, neuf mois après la révolution populaire qui a chassé Ben Ali du pouvoir. La commission électorale fait savoir que l'affluence dans les bureaux de vote est telle qu'elle dépasse «toutes les attentes». «La participation pourrait dépasser de loin les 60%. 7 millions et demi d'électeurs étaient appelés aux urnes pour départager 11 686 candidats, répartis sur 1517 listes, présentées par 80 partis et des «indépendants» (40%). Alors que la parité est obligatoire, les femmes ne sont que 7% à mener des listes. Les derniers sondages accordent à Ennahda, le parti islamiste, plus de 25% des voix, mais son leader n'exclut pas d'avoir la majorité absolue. L'assemblée constituante élue devra rédiger une nouvelle Constitution et désigner un exécutif, lequel gouvernera jusqu'aux prochaines élections générales. Le président de la commission électorale a noté certaines «irrégularités» dans le déroulement du scrutin. «Certains partis continuent leur campagne et n'ont pas respecté le silence électoral» en vigueur depuis vendredi minuit, a-t-il déclaré. Il a notamment cité des «pressions sur les électeurs analphabètes» et des «SMS envoyés pour influencer le vote», sans citer aucun parti. Les résultats connus lundi Le dépouillement commencera dès la fermeture des bureaux de vote, à 19h. Et les premiers résultats tomberont dans la nuit. Fait inédit, c'est une instance électorale (Isie) totalement indépendante de l'exécutif qui a piloté tout le processus électoral, à la place du ministère de l'Intérieur disqualifié par des années de fraude. L'Isie annoncera les résultats définitifs lundi après-midi. L'acte de voter avait perdu tout son sens sous la présidence autoritaire de Habib Bourguiba, le père de l'indépendance (1956) qui s'en était vite dispensé. Il n'était qu'une formalité électorale sous le règne de son successeur Ben Ali, constamment réélu avec des scores défiant l'imagination (99,91% en 1994). Crucial pour les Tunisiens, l'enjeu l'est aussi pour le Printemps arabe : sa réussite ou son échec enverront un signal déterminant aux peuples qui se sont soulevés dans la foulée de la révolution tunisienne. Coïncidence du calendrier : la Tunisie se rend aux urnes le jour même où son voisin libyen doit proclamer sa «libération totale», trois jours après la mort de Mouammar Kadhafi. Soutien de l'UE L'Union européenne (UE) a réitéré hier son soutien aux nouvelles autorités tunisiennes dans leurs efforts en vue de démocratiser le pays, après l'ouverture des opérations de vote pour les élections de l'assemblée constituante. L'UE «se félicite de la tenue des premières élections libres en Tunisie aujourd'hui», est-il écrit dans un projet de déclaration finale, publié par des médias et qui doit être adopté à l'issue du sommet des dirigeants européens réunis à Bruxelles. «L'Union européenne apportera son soutien aux nouvelles autorités dans leurs efforts en faveur de la démocratisation et du développement économique durable», ajoute le document. Pour sa part, le Premier ministre britannique, David Cameron, a salué dimanche ce scrutin libre, estimant que ce pays «montre encore une fois le chemin». «Pour la première fois, les Tunisiens peuvent exprimer leurs opinions dans l'isoloir, pour ces élections qui je l'espère seront libres et régulières», a déclaré M. Cameron dans un communiqué