Le président du Conseil national de transition (CNT), Moustapha Abdeljalil, a annoncé hier à Benghazi la mise en place en Libye d'un gouvernement de transition «d'ici deux semaines». «Nous avons commencé les discussions (sur la formation d'un gouvernement) et cette question ne prendra pas un mois, mais sera terminée d'ici deux semaines», a déclaré M. Abdeljalil au cours d'une conférence de presse. Les nouvelles autorités ont proclamé, dimanche, la «libération» de la Libye lors d'une cérémonie organisée dans la ville de Benghazi d'où est partie la révolte contre le régime Kadhafi en février dernier. Selon la feuille de route annoncée par le CNT, un gouvernement intérimaire doit être formé un mois après l'annonce de la libération du pays. Des élections constituantes doivent avoir lieu d'ici huit mois maximum, suivies d'élections générales un an après au plus tard. En Libye, il n'y a pas que le processus de formation d'un gouvernement de transition qui intéresse la communauté internationale. Les déclarations des responsables du CNT quant à une orientation islamiste du nouvel Etat inquiètent d'autant plus que, dimanche dernier, le président du Conseil lui-même a réaffirmé que la législation serait fondée sur la chari'a. «En tant que pays islamique, nous avons adopté la chari'a comme loi essentielle et toute loi qui violerait la chari'a est légalement nulle et non avenue», a souligné M. Abdeljalil, en annonçant notamment l'ouverture de banques islamiques, qui «interdiront l'usure (…) selon la tradition islamique». Hier, il a nuancé ses propos. Se voulant rassurant, il a déclaré : «Je voudrais que la communauté internationale soit assurée du fait qu'en tant que Libyens, nous sommes musulmans, mais musulmans modérés.» «En tant que musulmans, nous respectons les règles de l'Islam. Elles ne représentent aucun danger pour quelque parti politique ou faction que ce soit», a-t-il insisté. Il a répété que la chari'a devait être la source de la législation, mais a précisé que cela ne voulait pas dire que les lois en vigueur seraient sommairement abrogées. «Ma référence hier (à la chari'a) ne signifie pas l'amendement ou l'abrogation d'une quelconque loi», a-t-il expliqué. «Lorsque j'ai cité comme exemple la loi régissant le mariage et le divorce, j'ai juste voulu donner un exemple (de lois allant à l'encontre de la chari'a) car la loi (actuelle) n'autorise la polygamie que dans certaines conditions. Or la chari'a, à l'appui d'un verset du Coran, autorise la polygamie» sans conditions, a-t-il poursuivi. Commission d'enquête sur la mort de Kadhafi Le CNT a annoncé hier matin la création d'une commission d'enquête sur la mort de Mouammar Kadhafi, capturé vivant jeudi 20 octobre dans la ville de Syrte, après une cavale qui aura duré deux mois. Selon les premiers éléments de l'autopsie, l'ex-dirigeant libyen a été «tué par balles». «J'ai autopsié Mouammar Kadhafi et (le ministre de la Défense du régime déchu) Aboubakr Younès Jaber la nuit dernière, et (le fils de l'ex-Guide libyen) Mouatassim la nuit d'avant», a expliqué le médecin légiste. Les trois cadavres sont exposés dans une chambre froide d'un marché des faubourgs de Misrata (215 km à l'est de Tripoli), où les Libyens se succèdent par milliers depuis vendredi 21 octobre. «C'était une autopsie standard complète, conforme à toutes les normes scientifiques et de l'Union européenne», a-t-il assuré. «Leurs blessures nous ont indiqué combien de blessures par balle ils ont reçues. (…) Nous avons des réponses à toutes les questions», dont celle de savoir si Kadhafi est mort lors de combats ou a été exécuté. Les circonstances de la disparition du Guide ne sont pas les seuls faits qui nécessitent une commission d'enquête pour les rendre clairs. L'organisation Human Rights Watch (HRW) a en effet affirmé hier que 53 personnes, a priori des partisans de l'ex-homme fort de Tripoli, avaient probablement été exécutées sommairement dans un hôtel de Syrte. HRW a appelé à cet effet le CNT à «mener immédiatement une enquête transparente sur ce qui ressemble à une exécution de masse et à présenter les responsables devant la justice». Dimanche, «nous avons trouvé 53 corps en décomposition, apparemment des partisans de Kadhafi, dans un hôtel abandonné de Syrte. Certains avaient les mains ligotées derrière le dos quand ils ont été tués», a déclaré un des responsables de HRW, qui a enquêté sur ces meurtres. L'état des corps suggère que les victimes ont été tuées entre le 14 et le 19 octobre, a indiqué HRW, en précisant que «les corps étaient regroupés sur la pelouse du jardin de l'hôtel (…), apparemment là où ils ont été tués». «Ce dernier massacre semble faire partie d'une série de meurtres, pillages et autres abus commis par des combattants anti-Kadhafi armés se considérant au-dessus de la loi», a affirmé l'un des responsables de l'organisation. «Si le CNT n'enquête pas sur ce crime, cela donnera le signal que ceux ayant combattu Kadhafi peuvent faire n'importe quoi sans craindre d'être poursuivis», a-t-il souligné.