Plus de 50 décès liés à la pathologie du cancer sont enregistrés quotidiennement. Cette amère réalité est le résultat direct de la mauvaise prise en charge des malades souffrant de cette maladie. La question a été soulevée par plusieurs médecins, associations d'aide aux cancéreux, ainsi que les malades eux-mêmes. Dans cet entretien, la présidente de l'association El Amel revient sur cette situation critique et appelle ouvertement à une prise en charge à l'étranger, en attendant l'ouverture de centres de cancer en réalisation. Le Temps d'Algérie : Plusieurs appels ont été lancés par, notamment, votre association en direction des pouvoirs publics, pour une meilleure prise en charge des cancéreux. Constatez-vous un changement ? Hamida Kettab : On a exercé une certaine pression sur la tutelle et les pouvoirs publics pour que ce problème soit pris en charge à temps. Nous avons eu plusieurs réunions avec le ministère, où la situation dramatique des malades a été soulevée. Le ministère s'est engagé à régulariser la situation avant la fin décembre. Nous restons optimistes. Le ministre du secteur, M. Ould Abbas, a affirmé que plusieurs centres de cancer seront bientôt inaugurés. Nous sommes invités de manière régulière à des réunions au ministère, pour débattre du dossier, mais la solution tarde à venir. Il est question, actuellement, de mettre en place le plan cancer à l'horizon 2014. Il y a lieu de rappeler que le premier pas a été fait par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, qui a débloqué une enveloppe pour permettre de réaliser les programmes d'importation des médicaments. Pour notre part, nous multiplions les activités de sensibilisation pour inciter les gens à faire des dépistages précoces. En parlant de radiothérapie, qui n'est qu'une partie du protocole thérapeutique, le centre du CPMC est-il fermé aux malades ? Les deux appareils de radiothérapie du CPMC sont fonctionnels. Seulement, le programme de rendez-vous est saturé. Ils sont fixés jusqu'au mois de juin 2012. Ceci peut être fatal pour les cancéreux, qui doivent entamer leur cure un mois après l'intervention chirurgicale. 50 décès liés au cancer sont enregistrés quotidiennement, dont 10 femmes atteintes de cancer du sein, 4 du cancer du col de l'utérus. Les équipements en place pour la radiothérapie sont nettement insuffisants et les rendez-vous donnés aux malades sont trop éloignés. En fait, bien des malades se retrouvent en phase métastatique, par manque de radiothérapie. La plupart de la mastectomie radicale du sein est le résultat direct de ce manque. C'est pour cette raison que nous avons proposé à la tutelle une prise en charge des malades à l'étranger, en attendant l'ouverture des centres de cancer. Nous pensons que les ruptures cycliques des traitements sont la conséquence d'une désorganisation et non d'un manque de moyen. L'Algérie utilise les derniers protocoles très coûteux. Le retard dans le traitement risque de provoquer non seulement une récidive, mais des pertes financières considérables. En bref, sur les 7 centres existants en Algérie, celui d'Alger, Constantine, et Blida sont saturés. Ceux d'Oran et d'Ouargla ne sont pas fonctionnels. Une prise en charge à l'étranger, dites-vous ? Oui, pour sauver les cancéreux qui ne demandent que le droit à la vie, nous avons effectivement proposé à la tutelle une prise en charge des malades à l'étranger. Une convention devrait être signée avec un autre pays qui détient un programme correct, comme la France ou la Jordanie. Cela se faisait pour certaines pathologies cancéreuses. Les officiels se déresponsabilisent et se rejettent la balle. Ne pensez-vous pas que cela est décourageant pour les personnes atteintes de cette pathologie ? En tant qu'association, nous ne cherchons pas les responsables, mais plutôt la solution, car la maladie n'attend pas. Le nombre de personnes atteintes annuellement a considérablement augmenté ces dernières années, passant à 44 000 nouveaux cas. Rien que pour le nombre de cancer du sein, il est estimé à 3 000 nouveaux cas/an, dont la plupart arrivent à un stade avancé. Nous avons axé notre travail depuis 2009 sur la campagne de sensibilisation, car il faut savoir qu'à ce stade le risque est moindre et le coût des soins est moins coûteux. Le cancer du sein, par exemple, coûte 300 000 DA, alors qu'au stade avancé, son coût passe à 500 millions de centimes et une femme sur 4 décède. La caravane El Amel va-t-elle reprendre la route ? Effectivement. Nous allons relancer notre programme de sensibilisation à partir de ce mois de novembre. Nous voulons toucher toutes les wilayas, particulièrement les zones enclavées. Nous allons cette fois en direction d'El Oued et Ghardaïa. Les femmes sont très attentives à notre appel et viennent avec une liste de questions à laquelle le groupe de la caravane, dont des spécialistes, répondent de manière explicite, tout en les incitant à faire des dépistages précoces. Propos recueillis