Pour des pro-kadhafi en prison à Tripoli, la détention se prolonge sans procès en vue, le nouveau régime n'ayant toujours pas mis en place un système capable de les juger. «Nous voulons d'abord savoir pourquoi nous sommes ici», réclame un groupe de prisonniers accusés d'avoir soutenu l'ancien régime de Mouammar Kadhafi et qui croupissent depuis plusieurs semaines dans une prison de la banlieue-est de Tripoli. Dans la prison d'Al-Khandak à Tajoura, l'ambiance est plutôt bon enfant. Les cellules sont ouvertes sur la cour principale et certains prisonniers se promènent librement d'une aile à une autre. «Je suis partisan (de l'ancien régime). Ce n'est pas un crime», déclare Othman Mokhtar, la cinquantaine. «Nous avons été, comme beaucoup d'autres, trompés par les médias de Kadhafi». «C'est vrai que j'ai tenu une arme, mais pas pour tuer mes frères libyens. J'ai vu des Africains tenir des armes pour défendre Kadhafi. Je me suis dit +pourquoi pas moi aussi+. C'est mon devoir en tant que Libyen», explique-t-il. «J'ai remis mon arme aux thowar (combattants ex-rebelles) le 3 octobre. Le lendemain, trois voitures de thowar sont venues me chercher à la maison et depuis, je suis ici, sans savoir pourquoi». A côté de lui, Amer Salem, 30 ans, affirme avoir été arrêté alors qu'il quittait Bani Walid, un des derniers bastions de Mouammar Kadhafi, à 170 km au sud-est de Tripoli. «Nous avons fui Bani Walid quand les combats ont commencé dans la ville en septembre. J'étais en voiture avec mon épouse et mes enfants. Nous avons dépassé tous les points de contrôle sans encombre, mais des voitures m'ont rattrapé 15 km plus loin». «Ils m'ont conduit ici, après avoir pris ma voiture et tout l'argent que j'avais». «Les premiers jours, ils (les gardiens) nous frappaient tous les jours. Maintenant, la situation s'est beaucoup améliorée», témoigne-t-il. Ali Ayad, 26 ans, a été arrêté lui aussi alors qu'il fuyait Bani Walid. «Je suis là depuis 65 jours. Ma famille n'a appris que j'étais encore vivant qu'hier», affirme-t-il. Des organisations de défense des droits de l'Homme ont demandé aux nouveaux dirigeants du pays de mettre fin aux arrestations arbitraires et aux mauvais traitements infligés aux prisonniers. Le nouveau régime tarde à mettre en place une justice de transition. Ainsi, des centaines de prisonniers, dont des anciens responsables du régime, sont toujours détenus arbitrairement, dans l'attente d'un procès. Assis seul dans la cour principale baignée par un soleil doux, un ancien militaire qui a requis l'anonymat explique être détenu dans cette prison depuis la chute de Tripoli, fin août. «J'étais militaire. C'était mon devoir d'exécuter les ordres et de prendre mon poste dans une école militaire. Si j'avais déserté, ma famille aurait été tuée. Je n'avais pas le choix», dit-il. «Dieu merci, je n'ai pas tué personne». «Nous attendons l'ouverture d'une enquête. Je n'ai commis aucun crime. Je ne sais pas pourquoi je suis ici», déplore ce père de quatre enfants, qui dit avoir pu bénéficier de la visite de sa famille à plusieurs reprises. Celle-ci a bien perçu son salaire d'août et de septembre. «Pour octobre je ne sais pas s'ils vont l'avoir», s'inquiète-t-il. Comme tous les autres établissements pénitenciers, la prison d'Al-Khandak est tenue par des volontaires. Un des responsables, Abdelwahed Annaas, déplore le manque de moyens. «Tous ceux qui travaillent ici sont des volontaires. Nous tenons la prison grâce à des dons et des efforts personnels. Malgré tout, nous arrivons à fournir trois repas par jour aux prisonniers, ainsi qu'une assistance médicale», affirme-t-il.