«Il faut qu'il parte». Son départ est inévitable. C'est le vœu et la volonté des Libyens, mais également celui de la communauté internationale, qui a condamné samedi, à travers une ferme résolution onusienne, Kadhafi et son régime, accusés d'avoir tué plus d'un millier de Libyens, depuis le début de l'insurrection. Samedi à New York, le Conseil de sécurité de l'ONU avait adopté à l'unanimité, une résolution imposant des sanctions sévères au colonel Mouammar Kadhafi, à sa famille et à des proches du régime. Parmi ces sanctions adoptées par les quinze Etats membres, figurent notamment un embargo sur la vente d'armes et de matériels connexes à la Libye et une interdiction de voyager sur le sol des Etats membres concernant seize personnes, dont Mouammar Kadhafi, sept fils et sa fille et des personnes intimement liées au régime. Par cette résolution, les membres du Conseil de sécurité considèrent que "les attaques systématiques" contre la population civile, en Libye, actuellement menées "peuvent être assimilées à des crimes contre l'humanité". Le Conseil de sécurité a également décidé de transférer au procureur à la Cour pénale internationale (CPI) "la situation en Libye depuis le 15 février" et demande aux autorités libyennes de "coopérer pleinement" avec le tribunal. L'Insurrection s'organise Les insurgés s'organisent à l'est du pays, une région riche en pétrole, notamment autour de Benghazi, dont ils se sont rendus maîtres, alors que d'intenses combats se déroulaient dans l'ouest. L'opposition armée contrôle l'est du pays, mais la situation est plus confuse concernant les villes proches ou entourant Tripoli, selon des correspondants de presse. Des chars sont déployés sur les routes conduisant à Tripoli et en contrôlent l'accès, selon un habitant joint par téléphone. A l'est de Tripoli, des "mercenaires" à la solde du régime ont été héliportés à Misrata, à 150 km de la capitale, où ils ont ouvert le feu samedi, sur le bâtiment de la radio locale et sur des manifestants se rendant aux funérailles de victimes des combats de ces derniers jours, selon un habitant, partisan de l'opposition. La localité de Zaouiyah, à 50 km à l'ouest de Tripoli, est sous contrôle des insurgés qui ont hissé leur drapeau sur un bâtiment du centre-ville, a constaté hier une journaliste de Reuters. Zaouiyah est un lieu stratégique pour le colonel Mouammar Kadhafi car il s'agit de la dernière grande ville avant Tripoli, sur la route menant de la frontière tunisienne à la capitale. Des milliers de manifestants défilaient, en scandant "à bas le régime, nous voulons la liberté". Selon des témoins, les manifestants anti-Kadhafi semblaient contrôler la ville. De nombreux opposants étaient armés et certains d'entre eux ont tiré en l'air, lors de la manifestation. Les services de sécurité n'étaient pas visibles dans la ville où les journalistes ont été emmenés par l'organisme officiel libyen chargé de la presse, à la suite des combats qui s'y étaient déroulés jeudi. Ces combats avaient fait plus de 35 morts, selon la Ligue libyenne des droits de l'Homme. A Benghazi, deuxième ville de Libye et foyer de la contestation, l'opposition s'organise et attend que Tripoli se "libère" à son tour. Un gouvernement de transition L'ancien ministre de la Justice, Mustafa Abdel Jalil, qui a démissionné le 21 février, pour protester contre la répression de la révolte, envisage la création d'un gouvernement de transition, chargé principalement de préparer des élections. L'opposition devait tenir hier une conférence de presse sur la mise en place d'un gouvernement de transition. Ce gouvernement comptera "des personnalités militaires et civiles. Il sera en place pour trois mois maximum. Ensuite, il y aura des élections justes et les gens pourront choisir leurs dirigeants", a-t-il affirmé. Pour autant, l'ex-ministre de la Justice a exclu toute négociation avec Kadhafi pour lui permettre de quitter le pays, affirmant qu'il devait être jugé en Libye. A Tripoli, seuls circulaient les miliciens du colonel Kadhafi, à bord de 4X4. Des postes de contrôle ont été mis en place dans et autour de la capitale, où le pain et l'essence étaient rationnés, selon un habitant joint par téléphone. "Il n'y a pas de tirs. Le moral est bon. Certains jeunes veulent organiser une manifestation (...) mais nous sommes contre, parce que s'il y a d'autres manifestations, Kadhafi continuera de nous tuer", a-t-il assuré. Dans le quartier d'Al-Tajoura, les opposants étaient invités à crier "Dieu est grand" sur les toits en signe de protestation contre le régime. En revanche, des foules faisaient la queue devant les banques pour retirer les 500 dinars (environ 400 dollars ou 300 euros) promis aux familles par le gouvernement. Cette mesure, annoncée vendredi, a été relayée par SMS dans les quartiers les plus fidèles au colonel Kadhafi. Bilan des victimes encore inconnu Par ailleurs, le bilan des violences dans le pays restait difficile à évaluer. Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a parlé d'un millier de morts, au moment où d'autres sources parlent de plus de 2.000 victimes. La situation dans le pays reste précaire, dominée par des combats entre insurgés et forces fidèles au régime Kadhafi, pour le contrôle des villes, particulièrement Tripoli où l'essentiel des forces pro-Kadhafi est concentré. Ailleurs, les militaires dont de hauts gradés, ont déjà rejoint les rangs des insurgés, selon des télévisions arabes. Et, face au chaos dans un pays livré à lui-même, les évacuations des différents ressortissants étrangers continuaient dimanche dans des conditions difficiles. Près de 100.000 personnes ont déjà quitté le pays par air, mer et via les frontières tunisienne, algérienne et égyptienne.