Les affrontements entre des centaines de manifestants réclamant la fin du pouvoir militaire et les forces de l'ordre sont entrés dans leur troisième jour hier à la place Tahrir au Caire et dans d'autres villes égyptiennes. Le bilan des morts s'est alourdi hier dans l'après-midi à 33 morts et plus de 2000 blessés. La quasi-totalité des manifestants a péri au Caire. L'Egypte vit sa «deuxième révolution», une évolution qui risque de mettre fin au pouvoir du maréchal Tantaoui, dont le peuple égyptien réclame désormais l'«exécution». En effet, les violences qui ont éclaté entre la police et des manifestants réclamant la fin du pouvoir militaire, à une semaine du premier scrutin législatif depuis le départ de Hosni Moubarak, sont meurtrières et présagent d'une issue incertaine à ce pays qui a mis fin au régime dictatorial de Hosni Moubarak, mais pas à celui de l'armée incarné par le maréchal Hussein Tantaoui. Hier dans la matinée, des sources officielles et médicales ont fait état de 22 morts depuis le début des affrontements samedi. Mais dans l'après-midi, le bilan s'est alourdi à 33 morts et plus de 2000 blessés. Les personnes décédées sont touchées par des balles réelles ou mortes d'asphyxie en raison des nombreux tirs par la police de grenades lacrymogènes. Des milliers d'Egyptiens ont décidé d'occuper la place Tahrir au Caire et de faire face à la répression policière. Selon des médias étrangers, de violents affrontements se poursuivaient dans les rues adjacentes au site emblématique, foyer de la révolte qui a chassé le président Moubarak en février. Des contestataires lançaient des pierres et des cocktails Molotov en direction des policiers, dont certains, positionnés sur le toit d'un immeuble à proximité du ministère de l'Intérieur, proche de la place Tahrir, répliquaient avec des tirs de fusils et de balles. Les policiers continuaient également à tirer de nombreuses grenades lacrymogènes, alors que des manifestants leur criaient «Le peuple veut l'exécution du maréchal Hussein Tantaoui, dirigeant du pays». Plusieurs médecins ont affirmé soigner de nombreuses blessures par balle. Le docteur Mohammed Taher a déclaré avoir vu un homme ayant reçu une balle dans la tête et un autre au cou, tous deux dans un état grave. Des manifestants défilaient également à el-Arich, dans le Sinaï et à Ismaïlia, sur le canal de Suez, tandis que des heurts ont éclaté à l'issue des funérailles d'un jeune homme tué samedi à Alexandrie (nord), selon l'agence officielle Mena. A Suez, des militaires tiraient en l'air pour disperser des manifestants, au lendemain d'affrontements dans cette ville située sur la mer Rouge. Des défilés réclamant que le pouvoir, aux mains de l'armée depuis plus de neuf mois, soit restitué aux civils, avaient également lieu dans le centre du pays à Qena, où la télévision d'Etat a fait état de heurts, et à Assiout, selon des responsables de la sécurité. Ces affrontements rappellent les scènes de la révolution contre le régime de Moubarak au début de l'année. Certains experts et commentateurs n'ont pas hésité à parler d'une deuxième révolution étant donné les revendications portées par les manifestants pacifiques. Des milliers de personnes ont investi depuis samedi la place Tahrir pour réclamer le retrait immédiat d'une déclaration constitutionnelle présentée par le gouvernement, qui exemptait en particulier le budget de l'armée de tout contrôle parlementaire. La constitution doit être selon eux l'œuvre des représentants du peuple et non de l'armée, institution censée défendre le pays et non le diriger. Vers une deuxième révolution ? Les égyptiens ont exigé aussi la tenue de l'élection présidentielle dans les plus brefs délais afin de contrecarrer toute volonté de confisquer la volonté populaire par des subterfuges politiques relevant des pratiques du passé. Le Conseil militaire avait souligné dans un communiqué que le transfert de pouvoir aurait lieu après l'élection présidentielle prévue pour la fin 2012 au plus tôt, alors que les manifestants voudraient que ce soit fait dès le mois d'avril prochain. Le nouveau mouvement de contestation est déjà considéré comme une «deuxième révolution», surtout qu'elle avait débuté avec un rassemblement pacifique. Face à l'armée qui, en plus, essaye de retarder le calendrier transitionnel, et a autorisé d'anciens membres du parti de Moubarak à se présenter aux élections, le mécontentement populaire est venu rappeler cette fois-ci que la révolution a été bafouée dans son essence, voire même ignorée par les tenants de l'ancien régime dictatorial. La police a eu recours à la force et aux tirs pour déloger des protestants pacifiques présents sur place Tahrir. Ce qui exacerbe les égyptiens qui ont décidé cette fois-ci de déloger les dirigeants militaires.