Deux Français ont été enlevés par un groupe armé dans la nuit de mercredi à jeudi dans leur hôtel de Hombori, localité située dans le nord du Mali, au pied même des montagnes rocheuses, très difficiles d´accès, où Al Qaïda a établi ses bases depuis une dizaine d´années. Vendredi, trois autres Européens le seront à leur tour à Tombouctou, capitale stratégique de cette région qui contrôle l´accès vers Bamako. Le 22 octobre, deux ressortissants espagnols (un homme et une jeune femme) et une Italienne sont enlevés dans leur lieu de résidence à Tindouf où ces coopérants assistaient les réfugiés sahraouis. Quelques jours plus tôt, deux de leurs compatriotes, membres de Médecins Sans Frontières (MSF), avaient connu le même sort au Kenya d'où elles apportaient leur aide aux victimes de la famine en Somalie. Hormis ces deux jeunes filles de MSF, les deux Espagnols et l´Italienne se trouvent, aujourd´hui, séquestrés dans le nord du Mali où le sont déjà quatre Français depuis le 16 septembre 2010. Ces derniers avaient été enlevés par Aqmi dans le nord du Niger à Arlit, où ils étaient employés par le groupe Areva qui exploite le gisement d´uranium d´Arlit. Londres résiste Ce n´est pas un hasard si la totalité des personnes qui sont aujourd´hui entre les mains des groupes terroristes commandés par Mokhtar Benmokhtar et Abdelhamid Abou Zeid sont des Européens originaires des pays qui ont déjà payé pour obtenir la libération de leurs ressortissants. Aqmi est en train de cibler exclusivement des Français, des Espagnols et des Italiens, mais plus des Britanniques ou des Américains dont les gouvernements ont refusé de céder aux conditions des ravisseurs. Entre 2009 et 2010, trois Espagnols avaient été remis en liberté après paiement par le gouvernement Zapatero d´une rançon dont le montant varierait entre 7 et 9 millions d´euros, selon le quotidien El Mundo. Le gouvernement français avait fait mieux pour obtenir la libération de deux Français. Outre le versement d´une rançon, Paris a exercé de fortes pressions sur Bamako pour élargir, après un simulacre de procès, quatre dangereux terroristes dont deux Algériens, comme le réclamait Abou Zeid. C´est le résultat d´une mission ultra secrète menée par l´ancien ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. Les relais maliens Un ressortissant britannique enlevé en 2009 au Sahel avait été exécuté parce que Londres avait refusé de satisfaire aux conditions des terroristes. Mais depuis, plus aucun ressortissant britannique n´a été enlevé. Ni aucun Américain d´ailleurs, parce que ces deux pays ont pris des mesures strictes : recommander à leurs ressortissants de ne pas fréquenter les régions à risque et demeurer intraitables sur la question des rançons, à la différence de la France et de l´Espagne qui ont choisi la solution de facilité. Cette voie consiste à adresser aux ravisseurs des signaux de «bonne prédisposition à payer» à travers leurs canaux sur place. Ce sont, généralement, des notables maliens qui ont des contacts suivis avec Aqmi, intéressés, eux aussi, par une généreuse ristourne sur les sommes versées par les gouvernements d´origine des otages. Ces relais sont systématiquement activés, notamment par Paris et Madrid, dès l´annonce des enlèvements de leurs ressortissants. Les agents du CNI (services de renseignements espagnols) et leurs homologues français ont pris pied dans le Sahel, installant sur place des antennes à cet effet. Des agents secrets ? Les deux Français qui ont été enlevés à Hombori seraient, en fait, des enquêteurs de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) qui suivent les négociations indirectes avec Aqmi en vue de la libération des quatre Français enlevés à Arlit. Le ministère des Affaires étrangères français, embarrassé par les questions sur les fonctions des deux personnes séquestrées à Hombori, se retranche derrière l´argument de l´impérative «discrétion et prudence» pour ne pas mettre en péril leur sécurité. La presse a pu, toutefois, confirmer qu´il s´agissait bien de deux agents secrets, comme Pierre Cammette qui avait été enlevé en 2009 et que Nicolas Sarkozy a pu faire libérer dans des conditions encore non éludées. La radio Europe 1 a révélé ainsi que l'un des otages de mercredi dernier est «un Français d'origine hongroise qui aurait participé en 1997 au recrutement de mercenaires yougoslaves envoyés combattre au Zaïre et qu´il aurait lui-même fait partie, deux ans plus tard, d'un réseau clandestin en Serbie». Son collègue aurait été «arrêté en septembre 2003 aux îles Comores pour avoir voulu renverser le pouvoir du colonel Azali Assoumani dans une tentative de coup d'Etat», selon la même radio.
Criminalisation du versement des rançons Le 11 septembre 2010, à la conférence Internationale sur le terrorisme qui s´est tenue à New York, Rezzag Bara avait averti qu´«Aqmi a multiplié ses actes de prises d'otages depuis le premier paiement de rançon». Le conseiller aux affaires du terrorisme à la présidence de la République a vu juste, car, pour avoir suivi l´exemple de l´Allemagne et de l´Autriche qui ont été les premiers à payer en 2003, la France et l´Espagne ont exposé leurs ressortissants aux opérations de prises d´otages. Ces gouvernements négocient, en ce moment, non le principe acquis de la rançon, mais les modalités de son acheminement. Par la «prudence et la discrétion» réclamées aux médias, ils cherchent à camoufler leur recours aux rançons qui servent à financer le trafic d´armes vers le nord de l´Algérie. L´Espagne et la France sont aujourd´hui les pays qui sont ciblés par les opérations de prises d´otages et, en même temps, pointées du doigt par la communauté internationale pour violation des engagements pris sur le refus de céder aux conditions posées par les terroristes. Ce comportement a conduit à la préparation d´un projet de résolution sur la criminalisation des versements de rançons au terrorisme, parrainé par l´Algérie avec le soutien de Washington.